Scène inhabituelle au forum économique de Davos, d'ordinaire très consensuel : Shimon Pérès, le président israélien, justifie la politique de son pays à l'égard de Ghaza. A ses côtés, le Premier ministre turc Recep Tayeb Erdogan commence à répondre mais il est interrompu par le modérateur. Il s'énerve. Il s'en va. En sortant de la salle, Erdogan affirme qu'il ne reviendra plus au Forum économique mondial. Le Premier ministre turc a laissé éclater sa colère jeudi au cours du débat sur Ghaza à Davos, quittant un débat public en répondant et en reprochant aux organisateurs de l'empêcher de parler après une longue intervention du président israélien Shimon Pérès. "Je ne pense pas que je reviendrai à Davos", a-t-il lancé en quittant l'estrade où étaient présents le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, un geste rarissime dans l'enceinte très selecte du Forum économique mondial. Le dirigeant turc souhaitait répondre à un plaidoyer enflammé de Pérès, assis à côté de lui, sur l'intervention israélienne à Ghaza, mais le modérateur qui animait la rencontre l'a interrompu avec insistance pour lui signaler que le débat était terminé. Passant outre le refus de l'animateur, M. Erdogan a pris la parole après Pérès pour reprocher au public d'avoir applaudi l'intervention du président israélien. "Je trouve très truste que des gens applaudissent parce que beaucoup de gens sont morts. Je pense qu'ils ont tort d'applaudir des actions qui ont tué des gens", a-t-il dit faisant allusion aux massacres perpétrés par Israël à Ghaza. Pérès avait auparavant défendu avec véhémence l'intervention armée de son pays dans la bande de Ghaza, s'emportant plusieurs fois dans une enceinte peu habituée aux éclats de voix. S'adressant au président de l'Etat hébreu, M. Erdogan a lancé : "Je pense que vous devez vous sentir un peu coupable. C'est pourquoi vous avez parlé si fort. Vous avez tué des gens. Je me souviens des enfants qui sont morts sur des plages", a-t-il également rappelé en faisant allusion aux plus de 1 300 morts de l'offensive israélienne. "Je ne suis pas un chef de tribu, je suis un Premier ministre de la Turquie. J'ai fait ce que je devais faire", a souligné M Erdogan à la presse. Ajoutant : "Je ne peux rester insensible à ce genre de choses, mon tempérament m'en empêche. Mon devoir est de faire respecter l'honneur de mon pays". La presse présente sur les lieux de cet incident rapporte que le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa s'est calé dans son fauteuil et s'est abstenu ostensiblement de porter son regard vers le président israélien pendant toute l'intervention de ce dernier. Amr Moussa n'a également pas quitté la salle après le départ du premier ministre turc. Le Premier ministre turc au cours d'une conférence de presse, a reproché à l'animateur, le journaliste du Washington Post David Ignatius, de ne lui avoir accordé que 12 minutes de temps, contre 25 minutes à Pérès. M. Erdogan de retour dans son pays a été accueilli en héros après sa colère à Davos par des milliers de personnes à Istanbul, dans la nuit de jeudi à vendredi. Trois mille personnes selon les chaînes de télévision, étaient venues aux abords de l'aéroport international Atatürk d'Istanbul, arborant des drapeaux turcs, pour acclamer leur héros. Les manifestants ont scandé des slogans dénonçant Israël pour son offensive dans la bande de Ghaza et chanté en cœur "Nous sommes fiers de toi". Ahmed Saber