«Nezzar m'a proposé de prendre la présidence de l'Etat le jour de l'enterrement du défunt Boudiaf.» Ahmed Taleb Ibrahimi a accordé, hier, un entretien au journal Al-Hayat basé à Londres. Dans cette sortie médiatique, l'ancien candidat à la présidentielle de 99 a donné une exclusivité de taille. Il a, en effet, révélé avoir «été approché par le général-major, Khaled Nezzar, lors de la cérémonie d'inhumation du défunt Président Mohamed Boudiaf pour devenir président de l'Etat». Le général, pour rappel, était à l'époque ministre de la Défense, mais aussi membre du HCE (Haut comité de l'Etat). Cela se passait le 30 juin 1992 au cimetière d'El-Alia. Ahmed Taleb Ibrahimi dit avoir «refusé cette offre», ajoutant en avoir profité pour «demander aux généraux de laisser le peuple prendre seul son destin en main». Se livrant à une critique en règle contre le pouvoir et ses démarches, selon lui, «d'avance vouées à l'échec», Ahmed Taleb Ibrahimi a tenu à mettre les points sur les «i» en déclarant n'avoir «aucun problème personnel avec Bouteflika». La révélation exclusive de Taleb Ibrahimi sur la démarche de Khaled Nezzar intervient environ un mois après celle que nous avait faite en exclusivité Ahmed Djeddaï, invité de notre forum, «A coeur ouvert avec L'Expression». Djeddaï nous avait, en effet, affirmé que des contacts avaient eu lieu entre Hocine Aït Ahmed et Khaled Nezzar pour la poursuite du même but, celui de remettre le pouvoir politique entre les mains d'un leader proche de la mouvance réconciliatrice. Ces secrètes tractations montrent bien à quel point l'institution militaire était embarrassée par le pouvoir à la suite de l'interruption du processus électoral en 91, mais aussi ses tentatives, demeurées toutes stériles, de faire appel à des partisans d'une solution politique et concertée à la crise sécuritaire qui avait résulté de l'arrêt des législatives en janvier 92. Ce n'est qu'à la suite de ces propositions avortées, donc, que l'institution militaire aurait décidé de changer et de faire appel au Président Liamine Zeroual, en tant que ministre de la Défense d'abord et Président de la République ensuite. Cette phase, durant laquelle une guerre sans merci avait été livrée aux terroristes, à la suite de l'échec des négociations secrètes de 94 avec les dirigeants de l'ex-FIS. Taleb Ibrahimi indique, à ce sujet, que «la thèse éradicatrice était vouée à l'échec depuis le début». Le leader du mouvement interdit Wafa rappelle, dans l'entretien d'hier, que «la crise multidimensionnelle dont souffre le pays depuis plus de 10 ans nécessite obligatoirement une solution politique, concertée et démocratique». Revenant sur l'appel lancé par lui, en compagnie de trois autres personnalités, Hocine Aït Ahmed, Rachid Benyelles et Ali Yahia Abdennour pour boycotter les élections, Ahmed Taleb Ibrahimi a pris pour témoin les résultats de ce scrutin pour dire que «cet appel était fondé». Aux yeux de cet ancien ministre des Affaires étrangères, «les quotas étaient déterminés à l'avance», ajoutant que «la part du lion est revenue au FLN alors que les représentants de la mouvance islamiste n'ont eu que des miettes». Ahmed Taleb Ibrahimi a conclu en critiquant avec virulence tous les partis et leaders politiques qui ont accepté de prendre part aux législatives du 30 mai dernier.