Le cinéma dans la ville de Tizi Ouzou n'a pas seulement perdu du terrain depuis l'arrivée de la télévision, mais il en est mort. Toutes ces salles qui se remplissaient jadis sont aujourd'hui fermées. Le Djurdjura, l'Algéria, Le Mondial, cinéma Studio et autres ne sont, à présent, qu'un joli souvenir de jeunesse pour les anciennes générations. Pour les jeunes, ce n'est que de l'histoire ancienne qu'ils ne connaissent d'ailleurs pas. Ces lieux où le 7e art rayonnait de tout son éclat, dans les années soixante-dix, les anciens se les remémorent avec nostalgie. On y entrait tous les jours. Les programmes étaient connus par tout le monde. Il ne restait qu'à faire son choix. Il y en avait pour tous les goûts. John Wayne et tous les westerns étaient des nouvelles légendes dont l'écho parvenait jusque dans les villages. Les films hindous n'en étaient pas moins prisés. De grandes foules s'amassaient devant la salle du Mondial pour déguster, sans s'attacher aux sous-titres, les mélodies indiennes. Ces temps-là où les cinémas de la ville des Genêts tournaient la manivelle à guichets fermés ne sont plus qu'un passé à jamais révolu. Aujourd'hui, les bâtiments du Mondial et autres sont habités par un silence troublant. Hantés par les fantômes de ces personnages qui ont marqué le 7e art. Au milieu de ce silence, on y entend, comme dans un rêve, les bruits de sabots et les cris de ces cow-boys de l'Arizona apportés par les courants d'airs qui traversent les salles vides. Ces années où les jeunes venaient des villages pour déguster un thé les yeux accrochés aux écrans, se sont évaporées comme par enchantement. L'arrivée de la télévision dans les foyers a été foudroyante. Ces films passaient juste au salon. Plus la peine de se rendre en ville. John Wayne s'invitait de lui-même dans les maisons. Pour ceux qui ne pouvaient encore acquérir la boite magique, il y avait les cafés maures. Après les partis de dominos de l'après-midi, place aux films d'après les informations. Cette génération qui raconte avec nostalgie les cinémas de la ville de Tizi Ouzou se souvient de la fin de cette époque. En quelques années, les choses se passent toujours dans les déserts de l'Arizona et du Nevada mais, cette fois-ci, c'est à Dallas que l'histoire se déroule. Tous les cafés sont archicombles au moment du passage de cette série qui donnera le coup de grâce au cinéma. La télévision mettra ainsi fin à une histoire qui n'aura duré, dans notre pays, qu'un peu plus d'une décennie. Mais si le petit écran est pointé d'un doigt accusateur, il n'est pas le seul. La wilaya manquait terriblement de gens de cinéma. L'industrie du 7e art qui pouvait résister à cette vague géante était inexistante. Les palliatifs adoptés en Occident pour prolonger la vie du cinéma n'étaient pas adéquats pour sauver le nôtre. Les années qui suivront ne laisseront aucune chance d'ailleurs pour chercher des panacées. Le monde allait connaître une autre révolution. L'industrie du cinéma allait trouver d'autres supports pour rendre les productions plus accessibles à un plus large public. Les cassettes vidéo avant les CD puis les DVD et le cinéma allait changer de chemin et de lieu. Mais, en fait, le sort de ces salles ne devait pas être l'abandon. Au lieu de la fermeture quasi simple ne devait-on pas penser plutôt à leur reconversion?