Les mesures annoncées cette semaine par le roi d'Arabie Saoudite marquent une attaque d'envergure contre les islamistes ultraconservateurs qui avaient verrouillé le système judiciaire et d'éducation du premier exportateur mondial de pétrole, estiment des analystes. Trois ans après son intronisation, le roi Abdallah, 84 ans, a décidé de relever le défi des jeunes Saoudiens qui, à défaut d'un enseignement moderne et de création d'emplois, pourraient devenir le ferment de mouvements radicaux comme Al Qaîda, ajoute-t-on. «Ce sont des changements radicaux et fondamentaux, auxquels les Saoudiens aspirent depuis longtemps», dit Abdallah al-Oteïbi, un spécialiste des groupes islamistes. Samedi, le souverain saoudien a remanié son gouvernement en limogeant quatre ministres, dont ceux de la Justice et de l'Education, nommé une femme vice-ministre, une première, changé les chefs d'une machine judiciaire archaïque, écarté le chef de la police religieuse et restructuré le Comité des grands oulémas, la plus haute autorité religieuse. «Ce que le roi a fait est vraiment exceptionnel», commente Christopher Boucek, expert en Arabie Saoudite pour l'institut Carnegie Endowment for International Peace de Washington. «Le roi a toujours cherché à imposer sa volonté, celle du gouvernement concernant les organismes opérant d'une manière indépendante», a-t-il ajouté. Les nouvelles nominations au ministère de l'Education témoignent de l'engagement du roi Abdallah à réformer une administration bureaucratique où les conservateurs bloquaient toute tentative de réformer les programmes scolaires et purger les manuels des passages diabolisant les non-musulmans. Le système éducatif «a été dominé par les radicaux, responsables des idées d'intolérance et d'extrémisme inculquées aux étudiants», dit l'analyste Turki al-Hamad. Le nouveau ministre de l'Education, le prince Fayçal, ancien numéro deux des services de renseignement, est le gendre du roi Abdallah. Son épouse, la princesse Adila, est engagée pour les droits des femmes, un enseignement moderne et la protection de l'enfance. L'un des vice-ministres de l'Education, Fayçal Ben Mouammer, dirigeait le Centre du dialogue national, un forum dédié par le roi aux réformes, alors que l'autre est Noura Al Fayez, la première femme à entrer au gouvernement. Forts de leur expérience, ces responsables «connaissent bien la structure et les problèmes» de l'éducation, a indiqué un expert occidental à Riyadh. Le roi Abdallah doit répondre aux attentes d'une population qui, en 2016, sera formée à 33% de jeunes âgés de 15 ans ou moins, demandeurs d'une éducation et formation modernes. Il a en outre procédé à une purge dans le secteur judiciaire, qui était sous la coupe de religieux imposant leur propre interprétation de la religion et de la tradition. Il en a résulté l'absence d'une structure judiciaire formelle, avec des incohérences dans la définition du délit et des jugements rendus dans le royaume, où de récents projets de réforme des procédures judiciaires et des droits des accusés sont restés lettre morte. Ainsi, le roi a limogé cheikh Saleh Al Luhaïdan, qui a dirigé pendant plus de quatre décennies le Conseil supérieur de la magistrature, et restructuré le Comité des grands oulémas, devenu pour la première fois représentatif des quatre doctrines de l'islam sunnite, après avoir été contrôlé par la doctrine hanbalite, une branche fondamentaliste dont est issu le wahhabisme, dominant en Arabie saoudite.