La Télévision nationale habituellement hermétique à ce genre de discours, a laissé faire et laissé voir. S'il y a un point essentiel à relever durant ces deux premiers jours de campagne électorale, c'est bien celui de la liberté de ton des candidats. Ils ont développé un discours de pure opposition tout en restant clean. Evidemment, cette tonalité, par ailleurs mobilisatrice, ira crescendo tout au long de la course pour la présidence. Elle donnera également une crédibilité à cette élection que d'aucuns annonçaient comme froide sur le plan du discours. Les Algériens renouent donc avec un discours qu'ils aiment tant et qu'ils ne retrouvent presque plus tout au long de l'année. Du déjà-entendu et plus encore du déjà-vu: la Télévision habituellement hermétique à ce genre de discours, a laissé faire et laissé voir. Les plus nostalgiques se rappelleront d'une époque où la thèse et l'antithèse ravivaient les débats politiques. C'était au début de l'ouverture politique en 1990. La démobilisation de l'opposition ou encore le black-out des médias ont plongé, depuis, la scène politique dans une profonde léthargie. Le premier constat des premiers jours de campagne est sans ambages: rien ne plaît à l'opposition. Cette dernière propose une révolution dans la situation actuelle. Ali Fawzi Rebaïne ne mâche pas ses mots et affirme que la justice algérienne n'est pas indépendante et les juges sont aux ordres. Il a évoqué alors les difficultés (pressions) rencontrées par le magistrat dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce sens, le candidat d'AHD 54 a cité des exemples dans des affaires traitées par la justice, à l'instar de l'affaire Khalifa et la faillite des banques. M.Rebaïne va plus loin quand il propose un changement «au sommet de l'Etat» en vue, a-t-il dit, de «permettre aux générations montantes et aux compétences d'exercer leurs droits à participer à l'oeuvre d'édification et de gestion du pays». Moussa Touati tourne en dérision les responsables du pays qui soutiennent que la crise économique et financière ne nous touchera pas: «Bien sûr, il n'y pas d'économie, c'est le désert! comment voulez-vous qu'une crise économique touche un pays qui n'a pas d'économie!» Mohamed Saïd a, lui aussi, développé un discours virulent envers les institutions de l'Etat. Celles élues en particulier. «Les institutions de l'Etat qui légifèrent au nom du peuple n'ont pas été vraiment élues par celui-ci.» Décidément, l'opposition ne manque pas d'idées durant cette campagne. Elle est prête à aller très loin. Le candidat «surprise» Djahid Younsi d'El Islah, propose un débat public à l'américaine avec le favori de cette course présidentielle, Abdelaziz Bouteflika. Pour Younsi, la crise qui secoue l'Algérie est la conséquence de politiques «erronées» et «stériles» conduites par les gouvernements successifs. Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, est elle, plus précise dans sa thèse sur le changement. Elle pense dans ce chapitre qu'«il faut libérer l'Etat et donner la souveraineté au peuple». Comment? Sans aller jusqu'à l'expliciter, le PT propose carrément un rejet de la situation actuelle: «Est-ce que vous acceptez cette politique? Est-ce que vous acceptez l'esclavagisme? Nous disons que les jeunes refusent!», a souligné Mme Hanoune. Cette dernière prend le soin de rappeler que son parti n'est pas «mêlé à la crise du pays», fustigeant «la politique qui pousse ces jeunes à s'aventurer en mer et qui sont par la suite emprisonnés, s'ils sont encore en vie». Le 19 Mars rassemble les candidats Venant d'horizons idéologiques différents, les candidats à la présidentielle ont tenu tout de même à marquer, chacun à sa manière, le 47e anniversaire de la proclamation du cessez-le-feu qui a coïncidé avec le lancement de la campagne électorale. Hanoune a donné le coup d'envoi de sa campagne électorale depuis la capitale des Hauts-Plateaux (Sétif) expliquant son choix par des «raisons historiques». «J'ai choisi de lancer ma campagne électorale à partir de Sétif, parce que son ouverture coïncide avec la Fête de la Victoire et où le 8 Mai 1945 a également marqué un virage dans le cours de la Révolution», a indiqué la candidate. Younsi a choisi comme point de départ de sa tournée, la Casbah d'Alger. Plus précisément, la maison où ont été tués le chahid Ali la Pointe et ses amis par le colonialisme français. Bouteflika a rendu hommage, à partir de Batna la capitale des Aurès, aux membres de la famille du chahid de la Révolution, Mostefa Benboulaïd. Mohamed Saïd a choisi, lui, de déposer une gerbe de fleurs au pied de la tombe où repose le défunt président de la République Houari Boumediene (1965-1978), au carré des Martyrs au cimetière d'El Alia à Alger.