Politiques, experts et hommes d'Etat se partagent un Exécutif qui, désormais, n'a plus droit à l'erreur. Quelque recul ayant été pris, une lecture plus empesée de la composition du nouveau gouvernement est plus ou moins permise. Sans doute était-il juste de noter que ces législatives devaient advenir pour légitimer, et confirmer un état de fait préexistant. Très vite, en effet, des faits majeurs sautent aux yeux. Ennahda a quitté le bateau gouvernemental. Entièrement laminé lors des législatives passées, ne sachant guère à quel saint se vouer, il a préféré se retirer, avant d'en être prié, claironnant péremptoirement que «ceux qui gravitent autour du pouvoir se brûlent forcément les ailes». Dans le même contexte, force est de relever que les islamistes perdent sensiblement du terrain. Si l'on excepte Ghlamallah, islamiste BCBG, seuls deux représentants de cette mouvance, issus tous les deux des rangs du MSP, restent encore au pouvoir. Ce dosage, il faut le croire, ne serait pas pour déplaire aux grandes capitales étrangères après les répercussions des attentats du 11 septembre et leur changement de ton vis-à-vis des pays confrontés au terrorisme et au péril islamiste. Une autre remarque s'impose par rapport à cette question. La représentation s'est rétrécie comme une peau de chagrin. Elle est même loin de refléter le taux de cette mouvance au sein de la Chambre basse du Parlement après que le MRN, ténor du mouvement islamiste algérien, eut catégoriquement refusé de siéger à l'APN. Le MSP, qui prétend geler sa participation dans les institutions de l'APN tant que le Conseil constitutionnel n'aura pas rendu son verdict, n'en a pas moins accepté de faire partie du gouvernement sans un semblant préalable découlant pourtant de soi. La même chose est à observer chez le RND. Un parti qui a, en quelque sorte, sauvé les meubles en préservant ses quatre ministères, cela même si celui du patron du RND est sans portefeuille. Noureddine Boukrouh, même s'il a animé la campagne de son parti, a toujours cherché à garder une certaine distance entre ses activités partisanes et ses activités politiques. Impossible, dès lors, de dire que ce ministre est le représentant du PRA au sein du gouvernement. Salim Sadi, que Rédha Malek suppliait de quitter l'Exécutif sans recevoir de réponse, a été évacué du gouvernement. L'ANR, pour rappel, avait appelé au boycott des élections après avoir essuyé une fin de non-recevoir par rapport à sa demande de report des législatives du 30 mai dernier. Le FLN, grand vainqueur du scrutin, a confirmé sa large domination en décrochant environ une quinzaine de sièges, sans compter les anciens militants du parti, demeurés plus ou moins attachés à leur parti. Le gouvernement, uniquement composé de trois partis, reste à très forte connotation FLN et sera reconnu en tant que tel. Son échec ou sa réussite lui sera attribué (e) presque exclusivement. Le Président n'est pas en reste de ce test ultime. Dans ce dosage que l'on serait tenté de qualifier d'alchimique, les personnalités non partisanes et que Bouteflika qualifie d'hommes d'Etat, représentent le tiers de la composition totale de l'équipe. Ces hommes et ces ne peuvent avoir été choisis et nommés que par le Président. Soucieux de préserver certains équilibres politiques dont la finalité n'est forcément pas visible pour tous, Bouteflika n'en a pas moins fait en sorte que les ministères clés, déterminant le plan de sortie de crise de Bouteflika, ont tous échu à ses hommes, mais aussi à des personnalités non partisanes. Ainsi en est-il de Hamid Temmar au département de la Participation et de la Promotion de l'investissement. Un secteur clé pour le Président puisque de l'amélioration des conditions socio-économiques dépendront la suite des événements, mais aussi l'arrêt de la grogne populaire qui secoue les quatre coins du pays. L'habitat, où tant et tant de choses restent à faire, et qui se trouve derrière une bonne partie des émeutes qu'a connues le pays, est aussi une figure nouvelle dont les qualités professionnelles seraient hors pairs. Un autre ministre pivot, Yazid Zerhouni, a été maintenu à la tête du département de l'Intérieur, dont relève la sécurité, et même le traitement de certaines tâches fort délicates que le chef de l'Etat ne confie pas à n'importe qui. La justice, elle, est échue à un ancien procureur, inconnu pour le grand public, et qui saura, sans doute, attaquer le mal frontalement puisque qu'il en connaît forcément les arcanes et les secrets. En outre, le Président a mis en place un ministre délégué chargé de la réforme pénitentiaire. Preuve que le message des incendies carcéraux a bien été reçu et que quelque chose sera peut-être fait puisque, là encore, le Président a mis en place une figure nouvelle, sans a-priori. Côté Communication, les P et T et la Communication et la Culture, sont respectivement entre les mains d'une compétence nouvelle et de Khalida Toumi que pas un seul Algérien ne doit méconnaître. Une femme qui a sans doute pas mal de revanches à prendre, mais aussi un nombre important de choses à prouver, dont la capacité des à s'imposer partout et à réussir aussi bien que les hommes. En tout état de cause, ce gouvernement savamment dosé, selon des méthodes dont seul le FLN détient le secret, est condamné à réussir car, désormais, l'erreur ne sera plus tolérée. La grogne populaire, qui en est à son paroxysme, en a décidé ainsi.