Les victimes des essais nucléaires français seront recensées par une commission indépendante chargée d'examiner leurs dossiers au cas par cas. Les victimes algériennes seront prises en compte. Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a dévoilé hier dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, le contenu du projet de loi d'indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires menés par la France en Algérie et en Polynésie entre 1960 et 1996. Très attendu par les associations de vétérans, mais aussi par les représentants des populations du Sud algérien et de la Polynésie, victimes de ces essais, le texte prévoit une provision annuelle de 10 millions d'euros dans un premier temps, ponctionnés sur les crédits du ministère de la Défense. Le nombre de victimes n'a toutefois pas été révélé par M.Morin, qui a indiqué qu'il s'agira de civils et de militaires employés par la Défense ou par des entreprises comme le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou encore leurs sous-traitants, mais aussi des Algériens ou Polynésiens qui vivaient à proximité. «150.000 travailleurs civils et militaires sont théoriquement concernés, sans compter les populations qui vivaient au Sahara et en Polynésie», a-t-il indiqué. Ces victimes seront recensées par une commission indépendante qui sera chargée d'examiner leurs dossiers au cas par cas, le ministre de la Défense tranchant en dernier ressort. Pour ce faire, cette dernière devra s'appuyer sur des données scientifiques et médicales de l'Organisation des Nations unies. M.Morin a indiqué dans ce sens qu'«une commission indépendante constituée de médecins et présidée par un magistrat, examinera les dossiers au cas par cas. Si la demande est acceptée, la réparation du préjudice sera intégrale». M.Morin a annoncé une autre avancée, à savoir la décision de renverser la charge de la preuve, expliquant que «contrairement à ce qui se passait jusqu'à présent, il n'appartiendra plus au demandeur de prouver le lien de causalité entre l'exposition à des radiations et sa maladie. Pour refuser une demande de réparation, c'est l'Etat qui devra donc démontrer que la pathologie n'est pas radio-induite». Le ministre français a également abordé certains contenus et détails de la loi, notamment ses différents décrets d'application. A cette occasion, il est revenu sur la liste dite «unique» des maladies radio-induites en déclarant qu'«à leur demande (les associations) nous avons choisi de travailler sur une liste élargie de maladies, celle de l'ONU, et nous avons renoncé à fixer un seuil d'exposition minimal». Cette dernière démarrera d'un répertoire calqué sur celui établi par un organisme de l'ONU, le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (Unscaer) et portera sur 18 pathologies dont la leucémie, le cancer du sein, la thyroïde...Elle pourra ensuite être étendue au gré de l'évolution des connaissances médicales. Cependant, il n'en sera pas de même pour les zones géographiques ciblées et touchées par les essais. Ces dernières seront déterminées avec précision par décret, la loi prévoyant les périodes concernées qui s'étendront jusqu'au démantèlement des installations d'essais. Ce dernier détail constitue justement un autre point désapprouvé par les associations, notamment algérienne, qui l'estiment comme un «moyen de discrimination». En effet, certaines associations estiment que le champ d'application de la loi exclut «les populations sahariennes environnantes nomades et disséminées». Par ailleurs, le ministre français de la Défense a également annoncé l'ouverture de toutes les archives relatives aux conditions dans lesquelles se sont déroulés les essais, une autre revendication des associations. «Nous avons ouvert toutes nos archives sur les conditions de réalisations des essais et sur leur environnement atmosphérique. Elles sont actuellement examinées par deux professeurs de l'Académie de médecine et de l'Académie des sciences qui remettront un rapport en décembre», a-t-il révélé au Figaro, et ce dans le souci de déposer le texte sur le bureau du Parlement avant la fin du premier semestre 2009. Néanmoins, son administration n'a pas attendu jusque-là pour donner une idée de l'ampleur des dégâts matériels et humains puisqu'elle «reconnaît plusieurs incidents dont quatre lors d'essais conduits dans des galeries au Sahara qui n'ont pas été totalement confinés, en particulier le 1er mai 1962 lorsque des retombées radioactives importantes ont été relevées dans une bande de plus de 150 km». S'exprimant sur la lenteur dans «le règlement de ce dossier», M.Morin a expliqué que «la position du ministère de la Défense était que tout avait été fait pour que les essais se passent dans les meilleures conditions de sécurité possibles. De plus, les gouvernements ont longtemps pensé qu'ouvrir la porte à l'indemnisation était une menace à l'effort considérable déployé par la France pour avoir une dissuasion nucléaire crédible».