A moins d'un miracle, les projets de l'émirati Eamar en Algérie ne verront jamais le jour. En février dernier, le président du groupe a décidé la suspension des projets qui ne sont pas encore entamés à travers tous les pays du monde. La crise financière a fini par avoir raison des ambitions de cette entreprise. Les autorités algériennes n'ont pas voulu commenter cette nouvelle donne car elles veulent maintenir l'espoir que ce coup d'arrêt ne soit que momentané. D'ailleurs, les responsables en charge du dossier de l'investissement étranger ne nous ont pas communiqué de position officielle sur ce dossier préférant patienter jusqu'au lendemain de l'élection présidentielle. L'offre de service adressée par l'Algérie aux investisseurs étrangers n'a donc toujours pas été couronnée de succès puisque certaines compagnies n'arrivent pas à concrétiser leurs projets annoncés pourtant à grand renfort de relations publiques. C'est le cas dans le domaine de la construction de nouvelles villes et des centres d'affaires. Les promoteurs immobiliers arabes du Golfe, comme Eamar des Emirats arabes unis peuvent être classés dans cette catégorie. Plusieurs années après le déplacement de ses responsables à Alger, il n'est pas inopportun de conclure à un échec de cette politique. C'est peut-être ce qui contraint les autorités algériennes au silence sur cette question. Dans un premier temps, le gouvernement avait tranché en faveur de l'investissement du groupe Eamar. Les négociations avaient abouti à un accord pour l'octroi d'un terrain de 400 hectares à Alger pour la construction d'un complexe touristique et immobilier. Le problème du foncier n'est pas spécifiquement lié à ce projet. Il se pose pour tous les projets d'investissements, y compris pour ceux initiés par les Algériens. Il n'est alors pas étonnant que cela conduise à des annulations de projets. Cette donne a été une source de plus de complication pour l'investissement d'Eamar. Certains terrains visés par le groupe se situent à l'est d'Alger mais d'autres projets y ont été implantés, comme celui de la grande mosquée. L'assiette foncière n'a donc jamais pu être dégagée et c'est d'ailleurs l'un des éléments ayant conduit le projet à ne pas sortir de la phase de déclaration de bonnes intentions jusqu'à ce jour. Ce justificatif est celui avancé depuis plusieurs années à la presse par Hammoud Benhamdine, conseiller du ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Il semblerait également qu'un accord entre ce ministère et le groupe émirati n'ait pas été trouvé sur les modalités de participation de l'Etat aux réalisations projetées. Un optimisme de courte durée L'optimisme des autorités était pourtant grandiose. Même le ministre de l'Industrie, Hamid Temmar, pensait que le groupe pouvait contribuer à investir plus de cinq milliards de dollars. Au départ, il était plutôt question de 20 milliards de dollars mais ce montant a été revu à la baisse. Ensuite, c'est carrément l'ensemble du projet qui semblait battre de l'aile. Ces nouvelles ne sont pas récentes puisqu'en 2007 déjà les autorités tentaient de rassurer sur sa pérennité lorsque le ministère défendait la thèse du maintien de l'investissement. Les informations sur l'arrêt du projet étaient qualifiées alors de rumeurs. Depuis cette date, c'est toujours la question du foncier qui a été mise en avant pour justifier le non- démarrage de l'investissement. Ce n'était pas un arrêt momentané et il a fini par avoir raison des espoirs des Algériens. D'autres projets de villes touristiques et de centres commerciaux ont été annoncés par de Algériens comme le groupe Blanky, sans jamais connaître de suite heureuse. Peut-être que le nouveau-né, qui est le projet de Dahly aux Pins maritimes de Mohammadia, aura plus de chances de sortir de terre? Une année après le déplacement du président d'Eamar, Mohamed Ben Ali Al-Abbar, à Alger en juillet 2006, les doutes ont donc commencé à apparaître à la surface quant à la faisabilité de ce projet même si les autorités affirmaient à l'époque qu'il n'y avait aucun retrait officiel des Emiratis. C'est vrai que le président Abdelaziz Bouteflika avait donné publiquement des assurances pour faire tout ce qui est en son pouvoir pour aider à la concrétisation de l'investissement. Des maquettes de projets de restructuration urbaine d'Alger lui étaient présentées à cette occasion par les promoteurs. Dans de précédentes déclarations, le ministre de l'Industrie évoquait surtout des contraintes liées à la signature de tous les documents nécessaires pour clarifier la participation de l'Algérie à ces projets annoncés par les Emiratis. Ces derniers voulaient parvenir à un réaménagement et à un agrandissement de la gare centrale pour accueillir 80.000 voyageurs par jour, la construction d'un hôtel, d'un centre commercial et de trois tours de bureaux. Un second projet porte sur la construction de marinas, d'hôtels de luxe, de bureaux et d'appartements de haut standing et d'une cité de la santé à Staouéli. L'investissement immobilier devait aussi concerner une cité technologique à Sidi Abdallah et des infrastructures touristiques dans le complexe colonel Abbès près de Zéralda. Néanmoins, la crise financière, ayant pris naissance depuis six mois, n'a pas été un contexte favorable au début de concrétisation de ces réalisations. D'ailleurs, lors d'un récent salon international de l'immobilier dans un pays du Golfe, Eamar n'a pas évoqué sa stratégie de développement en Algérie. Cela a été tout de suite interprété comme un abandon pur et simple des prévisions concernant l'Algérie même si les responsables s'en sont défendus. Tout comme les autorités algériennes. Aucun responsable du ministère de l'Industrie ni de l'Agence nationale de développement n'ont pu nous renseigner davantage sur les suites que connaîtra la promesse d'investissement. La crise est passée par là On nous a simplement fait comprendre qu'il n'y pas d'abandon officiel du projet. Il nous est par contre officiellement répondu à chaque tentative de joindre des responsables que ces derniers se trouvaient en séance de travail avec des délégations. Peut-être que les langues commenceront à se délier après l'élection présidentielle. Pour l'instant, on préfère s'en tenir à cette version visant à entretenir l'espoir qu'un jour toutes les contraintes seront levées. Les Emiratis ne sont pas pressés d'investir en Algérie. Le président du groupe Eamar a d'ailleurs annoncé en février dernier qu'il se contentera de poursuivre les projets déjà lancés. Pour le reste, il est prévu de commander d'autres études pour connaître la rentabilité des nouveaux projets dans un contexte de crise. L'Algérie est loin d'être une priorité dans une conjoncture de récession. Eamar a déjà subi une perte de 481,337 millions de dollars au dernier trimestre 2008 suite à une réduction de ses opérations aux Etats-Unis où ses biens restés invendus sont d'une valeur de 250 millions de dollars. En 2008, les bénéfices du groupe ont été de 831 millions de dollars contre 1,79 milliard de dollars en 2007, soit une réduction de 50%. Mohamed Ben Ali Al Abbar, président du groupe, a clairement fait savoir en février dernier que ses priorités vont aux projets déjà engagés aux Emirats arabes unis, en Egypte et en Arabie Saoudite. Il ne veut surtout pas se lancer dans de nouvelles réalisations avant d'avoir consolidé les comptes de la société. La réticence ne gagne donc pas l'Algérie.