«Intifada». C'est le terme utilisé par Taleb Ibrahimi pour qualifier le mouvement citoyen de Kabylie. Concis dans ses réponses, l'ex-chef de la diplomatie algérienne remonte dans l'histoire pour expliquer la genèse des événements. Selon lui, à chaque fois que le pays se trouve dans une situation difficile, une région émerge du lot pour mener, exprimer ou annoncer la contestation. En 1830, rappelle-t-il, Mascara était la locomotive de la resistance, en 1870, le flambeau était repris par El-Mokrani en Petite Kabylie et en 1954, c'était à Batna (les Aurès) d'où a été annoncée la lutte armée. «S'il devait y avoir une deuxième République en Algérie, la vérité historique dira que c'est la wilaya de Tizi Ouzou qui en est à l'origine», déclare le chef de Wafa, parti non agréé. Taleb ne propose pas de solution miracle, ou un plan spécial pour le règlement de la crise si ce n'est celui du dialogue. En outre, Ahmed Taleb Ibrahimi estime que le règlement de cette crise doit, impérativement, «s'inscrire dans un contexte national», qui passe d'abord par «la démocratisation du système». Taleb reproche, particulièrement, au pouvoir ses tactiques «cessessionnistes» et «régionalistes» à travers lesquelles il tente (le pouvoir Ndlr) d'isoler la Kabylie et d'imprimer aux revendications un cachet régional et culturel. «Les raisons essentielles de cette Intifada sont politiques, économiques et sociales communes à l'ensemble du pays», a-t-il affirmé. «L'erreur de l'Algérie, en 1962, était d'avoir occulté son passé identitaire.» Pour Taleb, les dirigeants qui ont pris les rênes au lendemain de l'indépendance, ont hérité d'une mentalité imprimée par le mouvement nationaliste. A l'arabité, le colonialisme voulait substituer le français et à l'Islam le christianisme, d'où l'attachement «acharné» à ces deux constantes (Islam et arabité) qui s'est perpétué même après l'indépendance, argumente notre invité. S'agissant de l'attachement de cette région du pays à l'unité nationale, Taleb est catégorique. «Organisez un référendum et vous saurez que plus de 95% des citoyens de ces régions sont attachés à l'unité nationale», lance-t-il avant d'ajouter: «Durant toutes les étapes historiques vécues par l'Algérie, la Kabylie a activement participé à défendre ce pays, j'ai eu à côtoyer Abane et Krim et, croyez-moi, ils sont intraitables quand il s'agit d'unité nationale.»