Le manque de stratégie et de vision au niveau local risque de pénaliser et de fausser les attentes et les orientations nationales du renouveau agricole. Les agriculteurs de la wilaya de Tizi Ouzou, toutes filières confondues, s'apprêtent à relever le défi du renouveau de la politique agricole nationale. L'opération de signature de contrats de performance a débuté au mois de janvier dernier. L'objectif est important mais, les moyens existants peuvent-ils en constituer un élément favorable ou entravant? En la matière, les experts parlent de facteurs humains, matériels, géographiques et climatiques. Au vu de ces éléments, l'agriculture dans la wilaya de Tizi Ouzou, de par le passé, n'a jamais représenté une activité économique de grande envergure. Elle a été, de tout temps, rudimentaire de par les moyens humains et matériels. A ce jour, certains agriculteurs affirment que les conditions climatiques et géographiques n'ont pas été prises en compte en vue de la mise en place d'instruments d'élaboration de l'espace rural et de l'exploitation de ses potentialités naturelles. Au vu de la nature des contrats de performance signés avec les agriculteurs, le manque de stratégie et de vision au niveau local risque de pénaliser et de fausser les attentes et les orientations nationales du renouveau agricole. Malgré tous les efforts consentis par l'Etat pour développer ce secteur au niveau national, les moyens sont loin d'être réunis dans la wilaya de Tizi Ouzou. De prime abord, les agriculteurs de la wilaya, à l'exception d'un nombre réduit, n'ont pas accès aux techniques modernes d'exploitation. Les fellahs souffrent d'un manque de technicité à cause de l'absence totale d'initiatives allant dans ce sens. Les services de l'agriculture de la wilaya n'ont, à cet effet, jamais organisé de formations et de séminaires au profit des agriculteurs, à l'exception de ceux imposés par les hautes instances. Cette indigence en maîtrise des nouvelles technologies trouve son origine dans la formation purement administrative des responsables de l'agriculture. C'est une administration figée dans une gestion archaïque et déconnectée du monde rural et agricole. Sur ce premier point, les fellahs eux-mêmes avouent manquer de technicité moderne alors que les responsables se confinent dans leur refus d'admettre la faillite de la gestion purement administrative des secteurs économiques. Quant au facteur matériel, les experts y voient une conséquence logique de cette gestion. Tous les moyens et les financements colossaux mobilisés par l'Etat n'y feront rien sans une utilisation rationnelle et scientifique. Les conditions géographiques et climatiques constituent cependant, quant à elles, des facteurs décisifs non pas dans la qualité ou la quantité mais, plutôt dans l'émergence d'une filière agricole spécifique à la wilaya. D'une part, sur ce plan, la SAU (surface agricole utile) de 98.253 ha de la wilaya se trouve dans des zones montagneuses fortement escarpées. D'autre part, la wilaya souffre de ses spécificités foncières entravant toute intensification et développement. En effet, 96% de cette superficie est répartie sur 650 petites propriétés privées incapables de pratiquer l'agriculture de masse. Ces mêmes terres sont faiblement irriguées pour cause de pluviométrie ponctuée par de fréquentes périodes de sécheresse. En plus des conditions naturelles, les efforts de l'Etat, dans la réalisation des retenues collinaires, sont partis en fumée. Confiées à des subdivisions agricoles, elles souffrent toutes, à présent, d'envasement à cause de l'abandon. Au vu de ces éléments, il se dégage la nécessité d'intégrer la wilaya de Tizi Ouzou dans la dynamique nationale globale de développement du secteur de l'agriculture en lui conférant une vocation spécifique. Le renouveau agricole passe d'abord et nécessairement par l'amélioration des facteurs humain et matériel en vue d'une adaptation scientifique aux normes de l'agriculture moderne. Mais, derrière tous ces obstacles, la nature de la relation de l'homme à la terre dans cette région, fausse tous les calculs et prévisions. Avant même de penser à donner une vocation spécifique par le développement des filières agricoles de montagne, il faudra songer à trouver des solutions au foncier de la wilaya, Et, pour ce faire, seule une volonté politique conduite au niveau local par une administration et des élus locaux soucieux du développement local, pourrait être payante. Sinon, que vaudront les seules instructions du ministre ou du wali face à une inertie millénaire?