Cet homme-orchestre a su marier avec bonheur les couleurs, les cultures et les saveurs en composant des chefs-d'oeuvre avec lesquels il domina le siècle par sa stature originale. Hélas, très triste pour tous ceux qui connaissent ses formidables mélodies dont l'inoubliable thème de Lawrence d'Arabie, La Chanson de Lara que l'on entendait dans Docteur Jivago et le compositeur de musique du film religieux El Rissala (Le Message)... Maurice Jarre, le plus célèbre compositeur français de musique de films depuis plus de cinquante ans, est décédé dimanche dernier à Los Angeles à l'âge de 84 ans. Il souffrait en silence d'un cancer depuis quelques mois. Il est né le 13 septembre 1924 à Lyon. Maurice Jarre s'est intéressé assez tard à la musique. Timbalier de formation, il s'intéresse très vite à la composition et se retrouve directeur musical du Théâtre national populaire durant douze années (1951-1963). Sa carrière dans la musique de film démarra dans les années 1950 pour des courts métrages (des compositions pour les films de Georges Franju, Jacques Demy, Alain Resnais, notamment) puis des longs métrages à partir de 1958 (La Tête contre les murs de Georges Franju). Il signera bien plus tard, la bande originale de Lawrence d'Arabie, le chef-d'oeuvre du réalisateur britannique, David Lean, avec Peter O'Toole dans le rôle titre. Dès lors, le musicien français et le metteur en scène ne vont cesser de collaborer. Même s'il fait une petite infidélité au cinéaste anglais avec la musique du Jour le plus long en 1962, Maurice Jarre se lance ensuite dans l'écriture du thème musical du Docteur Jivago, réalisé par David Lean (1965). Omar Sharif et Julie Christie s'aiment notamment sur La Chanson de Lara. Pour autant, il s'est installé à Los Angeles, en 1964. Il signe la bande originale de Paris brûle-t-il de René Clément (1966) avant de composer celle du film Les Damnés de l'italien Luchino Visconti (1969) qui réunissait à l'écran Dirk Bogarde, Helmut Berger et une certaine Charlotte Rampling. La même année, en 1969, il signe la musique de Topaze d'Alfred Hitchock. «On n'a pas eu le succès», disait-il. «Mais ma rencontre avec ce maître tellement gentil fut la meilleure récompense. Un conteur magnifique. Mais pour la musique, il ne voulait rien entendre. Il estimait que c'était ma tâche». Dans les années 1970 et 1980, Maurice Jarre signe les musiques d'un western Soleil rouge de Terence Young (1971) avec Charles Bronson et Alain Delon, Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1977), Witness avec Harrison Ford et Le Cercle des poètes disparus avec Robin Williams. L'âge venant, l'homme travaille de manière un peu moins assidue. Mais c'est lui qui écrit la musique de Ghost avec Demi Moore et Patrick Swayze (1990) et celle de L'Echelle de Jacob d'Adrian Lyne (1990). Il est le seul Français dont les empreintes des mains sont inscrites dans le fameux Side Wallk of Fame à Hollywood. Sa toute dernière apparition en public fut au Festival de Berlin, le mois dernier, où il recevait un Ours d'Or pour l'ensemble de sa carrière. Cet homme-orchestre a su marier avec bonheur les couleurs, les cultures et les saveurs en composant des chefs-d'oeuvre dont il a dominé le siècle par sa stature originale et a su tour à tour, avec tendresse, introduire son inspiration à celle d'autres créateurs. Ce qui lui a valu au cours de sa brillante carrière hollywoodienne, trois Oscars pour les musiques de Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago et La Route des Indes.