Les 19 jours de la campagne électorale ont montré, à bien des égards, les points forts et les carences de la classe politique algérienne. «Ne pas faire de politique en ce moment, c'est la pire des politiques.» Cette sentence justifie à elle seule toute l'effervescence que connaît ces derniers jours la scène politique nationale. Profitant de l'aubaine offerte durant les dix-neuf jours qu'a duré la campagne électorale, toute la classe politique nationale à quelques exceptions près s'est consacrée à prêcher ses thèses et porter ses antithèses, et ce dans une atmosphère politique électrique. Les tiraillements, propres aux politiciens algériens dans de telles circonstances, ont baissé d'un cran cette fois-ci. A titre d'exemple, le geste du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui a hissé un drapeau noir en remplacement du drapeau national au niveau de ses sièges, «en signe de deuil», a été différemment apprécié et commenté. Certains outragés, d'autres scandalisés, mais tous ont assimilé ce geste à un manque de responsabilité de la part du parti du Dr Sadi. D'autres encore n'ont pas hésité à le saluer. Cela étant, et malgré quelques anomalies «imposées» par notre époque, la classe politique nationale s'est tout de même exprimée. Divisée en deux courants, partisans de la participation et partisans du boycott, la scène s'est emballée, notamment en Kabylie où l'on a assisté aux discours des uns dans des salles fermées et aux thèses des autres à ciel ouvert. Le débat contradictoire a manqué Si l'histoire aura quelque chose à reprocher à cette élection c'est bien l'absence de débat contradictoire entre les candidats eux-mêmes tout d'abord et entre les candidats et l'opposition ensuite. C'est sur ce plan que les observateurs ont inauguré le tableau des carences constatées. L'initiative prise par les étudiants de l'université de Béjaïa qui ont mis autour de la même table un farouche partisan du boycott (Karim Tabbou) et un inconditionnel participant (Moussa Touati) n'a malheureusement pas été suivie. Les mêmes étudiants ont essayé de pousser loin leur initiative, mais cette dernière était stoppée net par le refus de certains candidats qui «ont peur, selon les observateurs, du débat contradictoire». Un candidat, que nous préférons ne pas citer, nous a affirmé avoir décliné l'invitation car, «je n'ai rien à débattre avec le FFS» a-t-il dit: Cette situation a été, faut-il le dire, décriée par les candidats eux-mêmes. Aussi, l'opinion ne peut dans ce climat, attendre un débat dans ce sens même entre les candidats eux-mêmes. Le constat fait par les observateurs est de ce point de vue valable à souhait. Les courants traditionnels du paysage politique du pays n'ont pas été totalement représentés dans cette élection. Le peuple a, devant lui, selon eux, six candidats qui prônent au maximum trois programmes. Ce qui fait, ajoutent-ils, que les citoyens qui vont s'exprimer voteront pour des personnes et non pour des programmes qui se ressemblent. Taux de participation: la réponse aujourd'hui L'abstention qui a fait de l'ombre aux candidats a été combattue par ces derniers dans toutes les wilayas qu'ils ont visitées dans le cadre de la campagne électorale. Après la fin de cette campagne, certains candidats, comme Moussa Touati, ont prédit un taux de participation de 40%. Ce taux sera, selon l'opposition, plus faible par rapport à celui des législatives de 2007 et prévu à plus de 60% par les partis de l'Alliance présidentielle. Ce faisant, la spéculation ne mènera à rien aujourd'hui alors qu'on n'est qu'à quelque 24 heures de l'annonce des résultats. L'argent a tout gâché La majorité des candidats qui ont sillonné le territoire national durant la campagne électorale ont regretté que l'argent ait quelque peu ou plutôt tout gâché selon le candidat indépendant Mohamed Saïd. On se rappelle ainsi de la réponse infligée par Ferhat Abass, président de l'Assemblée constituante, juste après l'Indépendance à un député qui lui avait fait remarquer que l'Algérie a de l'argent mais qu'elle ne savait pas où «le» placer. Et à Ferhat Abas de le corriger: «Quand l'argent deviendra masculin, on verra après». Ainsi, aujourd'hui encore, il semble que l'argent ne soit pas encore devenu masculin. Et tous les candidats l'ont dénoncé. C'est comme une belle femme qui a tout charmé et qui attire toutes les convoitises, y compris politiciennes. «C'est que ça va continuer ainsi, je vous assure que nous assisterons aux funérailles de la proclamation du 1er-Novembre 1954», a averti à plusieurs reprises le candidat indépendant, Mohamed Saïd. Le front social négligé Parallèlement à toutes les agitations électorales qui ont presque détourné l'opinion des sujets brûlants de l'actualité en d'autres périodes, le front social bouillonnait. Les multiples grèves observées ici et là n'ont trouvé l'écho escompté, ni dans les pages des journaux ni dans les discussions et les conversations des gens. Pendant ce temps, les prix des produits de large consommation comme la pomme de terre, ont pris une courbe ascendante, se multipliant par trois en l'espace de quelques jours seulement sans pour autant attirer l'attention, outre-mesure des autorités publiques. Même les candidats ont pris le soin de ne pas lier cette réalité qui pèse lourd sur le quotidien des citoyens à la conjoncture électorale. Enfin, il est à souligner que les actes terroristes fortement appréhendés avant le début de la campagne étaient tout simplement bannis si l'on excepte les quelques fausses alertes à la bombe.