Ce film est la première et la seule production hollywoodienne consacrée à la Guerre d'Algérie. Le moins que l'on puisse dire est que le film n'a pas laissé indifférent, mieux, il a suscité une vive réaction de la part des spectateurs venus le voir jeudi dernier à la salle ABC dans le cadre du ciné-club de l'Association «A nous les écrans». Les Centurions (Lost Command) est, en fait, la première et la seule production hollywoodienne consacrée à la Guerre d'Algérie. Le film très librement adapté du roman de Jean Lartéguy un écrivain et journaliste français, correspondant de nombreuses guerres dont celle d'Algérie et, réalisé en 1966 par Mark Robson, a provoqué un haut-le-coeur de personnes dont certaines, outrées, ont préféré quitter la salle avant la fin de la projection, non sans dire leur indignation pour un tel film qui ne reflète, selon eux, aucunement la réalité historique de la Guerre d'Algérie mais s'évertue plutôt à glorifier les paras français. Dommage que le comédien Hassen Kechache, alias le valeureux Mostefa Benboulaïd dans le film d'Ahmed Rachedi, n'a pas su ou voulu s'exprimer sur le sujet, se contentant d'ânonner presque «comme il a dit lui» et partir. Film avant tout commercial, les Centurions raconte le quotidien du lieutenant-colonel Raspeguy, alias le grand Anthony Quinn, qui s'en va en guerre, d'abord en Indochine puis en Algérie. A la tête d'un régiment de parachutistes coloniaux, il est chargé de retrouver le chef de la Rébellion algérienne, un ancien officier de son équipe durant la bataille de Diên Biên Phu, un prénommé Mahidi, interprété par George Segal. Le lieutenant-colonel Raspeguy est «soutenu» par un journaliste à qui il demande à chaque fois de l'accompagner dans ses déplacements, arguant qu'il «a besoin» de lui. Il s'agit du grand Alain Delon. A noter que ce dernier a toujours pris position contre la guerre d'Algérie. Dans ce film, le comédien se montre comme un pacifiste opposé à la torture et la barbarie dont certains avaient recours pour détenir les informations. Il ne s'emportera et deviendra violent que lorsqu'il se sentira trahi par la femme avec laquelle il sortait, une Arabe, poseuse de bombes et qui plus est, la soeur du grand chef de la Rébellion algérienne... Américain, ce film reste en dehors de la Guerre d'Algérie, ne l'effleurant qu'à travers des personnages dont certains rappellent étrangement des grandes figures historiques. Ainsi le personnage du lieutenant-colonel Pierre Raspeguy a été inspiré par Marcel Bigeard. D'ailleurs Anthony Quinn a déclaré un jour à Bigeard: «Vous l'avez vécue, je l'ai simplement jouée». Aussi, Mahidi a été inspiré par Larbi Ben M'hidi, la tyrannie de Boisfeuras rappelle à s'y méprendre Paul Aussaresses avec ses actes de torture appliqués de sang-froid. La belle Claudia Cardinale, Aïcha, qui évolue dans un groupe de résistants à la Casbah, renvoie indubitablement à Djamila Bouhired, tandis que le médecin Ben Saâd, chef de moudjahidine, correspond à Yacef Saâdi. Le film a fait appel aussi à un comédien qui n'est pas à son premier film sur la Guerre d'Algérie, Jean-Claude Bercq qui a notamment joué le rôle de militaire français dans Décembre de Lakhdar Hamina et surtout dans l'Opium et le bâton d'Ahmed Rachedi. Le film qui a eu recours à des têtes d'affiche a fait appel aussi à la grande comédienne Michèle Morgan dans le rôle de la comtesse de Clairefons. Les Centurions n'a pas la prétentions de raconter l'histoire telle qu'il veut qu'elle soit, authentique mais plutôt fidèle à la marque de fabrique hollywoodienne, avec ses combats à la sauce romaine dont la veine héroïque se trouve confrontée sur un fond musical tout aussi mélodramatique que dans Autant emporte le vent. Le film oppose une vision humaine aux faits historiques, nous immergeant dans un réel bien romancé, en passant, sans sourciller, de la Bataille d'Alger aux Aurès. Faisant l'économie des détails, c'est «l'histoire» dans sa version raccourcie qui nous est servie, avec une écriture scénaristique tout de même bien ficelée et un arrière-fond esthétique sans faille qui ferait pâlir de jalousie n'importe quel réalisateur algérien y compris Ahmed Rachedi avec son dernier-né Benboulaïd. Et c'est ce qui nous manque irrévocablement, comme l'a si bien souligné Salim Aggar, président de «A nous les écrans»: «La technicité».