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Des harraga iraniens...
62E FESTIVAL DE CANNES
Publié dans L'Expression le 16 - 05 - 2009

Il existe des films qui vous font douter de vous et même du travail tout juste mis à l'ouvrage et le film iranien de Bahman Ghobadi en fait partie...
Il est rare en effet qu'une histoire vous renvoie dans les cordes du ring existentialiste à vous demander pourquoi êtes-vous sur terre si ce n'est pour vivre une vie dont l'ordonnancement est régi par d'autres...Ceux qui ont le monopole de la pensée idéologique ou religieuse...On sait depuis Staline ce que le totalitarisme a engendré comme dégâts, tout comme on sait ce que l'avènement du khomeynisme, voire du wahhabisme a causé comme deuil et dommages à la communauté musulmane...Bentalha et Raïs sont toujours là pour nous rappeler que la criminelle pensée a fait des ravages, les policiers et les djounoud continuent à en faire mortellement les frais.
Alors quand Ghobadi vous renvoie tel un upercut au foie des images de Téhéran après plus de trente années d'expérimentation d'une religiosité imposée, dans le pays de la spiritualité éternelle, il y a de quoi, se sentir encore plus dépossédé d'une humanité que l'on a, depuis l'émergence de la pensée fondamentaliste, vu s'étioler chaque jour un peu plus.
Les Chats Persans ne raconte rien d'autre que cela ou comment une société devenue totalement schizophrène a décidé de fonder, de bric et de broc, une société parallèle qui est autant d'hypothétiques oasis où des pans entiers de la société iranienne, lasse des querelles des mollahs et autres ayatollahs, ne demande, qu'à vivre, en ayant le droit de rire ou de pleurer selon ses dispositions et non au gré des humeurs d'un clergé plus proche des affaires que du ciel...
Un ancien président de la République reste toujours le plus grand producteur de pistache au monde et par voie de conséquence son premier exportateur vers les USA...
A Cannes, il n'y avait aucune trace de turban, ni même la couleur d'une tenue de pasdaran...Il y avait sur l'écran de la section Un Certain Regard, de beaux jeunes gens, de belles jeunes filles que trente années de khomeynisme et de ses dérivés, n'ont pas fait disparaître du paysage iranien...Et c'est là que l'on mesure l'ampleur du gâchis...Un régime qui décide de marginaliser, par l'exclusion et l'anathème, une partie de la population ne peut croire qu'au miracle pour pouvoir un jour faire émerger une société prospère et cultivée...Et d'une civilisation aussi vieille que celle qui a édifié l'Empire perse, cette idée n'est normalement pas une vue de l'esprit et le cinéaste iranien le démontre, par les mots et par le son produits par une jeunesse pleine de vitalité...Seulement voilà, cette jeunesse est obligée de se cacher pour produire et quand l'étau devient trop étouffant, elle songe à la harga...
Et les harraga iraniens ressemblent comme deux gouttes d'eau à leurs «collègues» algériens, voire arabes. Tous ne rêvent que d'une chose: respirer un air moins vicié et donc moins rare...Dans une scène aussi atroce qu'ironique, Ghobadi fait se rencontrer un couple de jeunes musiciens chez un pourvoyeur de visas et de faux passeports, avec un autre couple de trentenaires qui n'a pour rêve que d'aller visiter des pays plus apaisés où la nature est respectée, ils citent les chutes du Niagara par exemple.
Et quand ils quittent la masure du trafiquant en faux papiers, ils déploient leur canne d'aveugles et s'en vont avec le sourire sur le visage. Atroce.
Les Chats Persans, au départ, n'avait pas de scénario, Ghobadi dépité devant la censure implacable qui avait frappé ses précédents films Un temps pour l'ivresse des chevaux (Caméra d'Or en 2000 à Cannes) et les Tortues volent aussi (2004), s'était mis en tête de faire quelque chose sur la musique. Il s'achète alors une petite caméra «SI2K», afin de ne pas dépendre du matériel de l'Etat qui ne peut être loué que si l'on dispose d'une autorisation de tournage. Probabilité peu réaliste dans le cas de Ghobadi. Le repérage a été fait sur deux motos et le tournage a pris en tout et pour tout dix-sept jours! Les péripéties ont servi à alimenter le scénario, dont une des scènes les plus kafkaïennes restera cet interrogatoire d'un jeune par un policier. Filmé dans l'entrebâillement d'une porte entrouverte, d'où l'on aperçoit que le jeune «coupable», ce moment d'anthologie renseigne fort éloquemment de l'état de la société iranienne.
Ahmddinejad devrait voir ce film avec tout le clergé qui veille à sa réélection juste pour avoir une idée de l'état de désespérance dans lequel vit la jeunesse iranienne.
«Ce qui est relativement rassurant, c'est que même dans la plus délirante des dictatures, ce film-là a donc été possible, il est vrai, conçu par une équipe technique réduite, des acteurs passe-muraille et une caméra du genre riquiqui.
Ce qui est relativement inquiétant, c'est ce que ce vol à l'arraché montre et démontre qu'en ce pays, c'est un véritable enfer de simplement respirer», fait remarquer fort justement un confrère.
Et ce n'est pas le Heavy Metal et autre Rock Indie (genre T34 d'Algérie) qui tapent sur les têtes enturbannées de Téhéran et de Qom, cela peut être aussi ce merveilleux samaâ soufi merveilleusement exécuté par deux très belles femmes face à une assemblée d'auditeurs réunis dans la clandestinité d'un appartement.
Plus d'une fois des riff des artistes en herbe de Téhéran on s'attend à ce que Rock in the Casbah de Clash ne fassent exploser les murs de la ville persane, tellement la violence est difficilement contenue et intelligemment montrée dans ce clip géant qui secoue les sens mais aussi l'esprit...
Alors on pense à ce proverbe soufi: «Si nous sommes en quête d'harmonie à travers toute chose: la musique, la danse, la beauté, l'union avec l'Autre....c'est que nous avons le sens d'une Harmonie supérieure déjà connue.»
Lors de la séance de presse, malgré les sourires, les larmes ont eu raison de plus d'un, surtout au moment de ce rap exécuté sur la terrasse d'un immeuble à l'état de carcasse.
«Je ne veux pas quitter ce pays, car mes paroles s'adressent d'abord aux gens d'ici», lance le rappeur avant de déverser une incantation sommant le réveil salutaire pour au moins constater de «déchets» dans lequel se trouve le jeune Iranien de vingt ans. «Je suis une ordure» dit-il à la face d'un pouvoir qui s'arroge le droit de «confisquer» un caniche assis à l'intérieur d'un véhicule, sous prétexte que la bête est «impure», selon eux.
«Nous n'avons pas le droit de sortir ni avec un chat ni avec un chien. Par contre, dans nos maisons nous avons des chats, chers à nos yeux et d'ailleurs les chats persans coûtent très cher. Je les compare aux jeunes protagonistes de mon film, sans liberté et obligés de se cacher pour jouer de la musique», confie le cinéaste.
Le rap iranien est proche de celui d'Intik que de Double Canon, il ne prêche nullement et ne jette pas l'anathème, se «contentant» de réclamer un peu d'humanité et d'intelligence dans le regard à l'endroit d'une jeunesse qui grandit dans la négation de soi et dans le rejet. Ce rappeur, enfant de Roumi et de Shams Ettabrizi, place comme eux, l'amour et l'éthique au sommet de l'âme humaine.
Il y a quelque chose de sain dans cette quête de soi, à coups de notes égrenées dans des lieux inattendus: des caves, des terrasses, des pièces insonorisées ou même des étables dans des fermes retirées...
Sain, parce qu'il ne revendique pas le pouvoir de condamner autrui au nom d'une vérité auto-octroyée et qui permet à l'hypocrisie de s'ériger en mode de vie. Ou parce qu'on a les moyens (financiers) de corrompre les esprits et les êtres, on peut aussi bien boire jusqu'à son saoul, que de s'accorder un droit de cuissage...
Pendant ce temps, ailleurs on invente, on produit et on exporte son intelligence sous forme de produits à des pays qui n'ont que le sous-sol comme gisement salutaire, alors que la richesse est en train de prendre la tangente, optant pour la marge quand ce n'est pas la harga.
Il y a certes une légère déception dans le fait que Les Chats Persans ne soit en compétition pour la Palme, mais vite estompée dans la mesure où la projection du film de Ghobadi à Cannes aura provoqué un formidable buzz qui va se prolonger jusque dans les villas cossues des dignitaires iraniens qui font semblant d'oublier qu'un chat persan, restera toujours un félin attendant son heure...Lui, il a l'éternité devant lui, ce qui n'est pas le cas de l'obscurantisme, non? On se souvient de Hafez jusqu'à nos jours, mais pas du tout du nom des mollahs qui lui ont refusé une sépulture religieuse, comme le décréta un autre illuminé à la mort de Kateb Yacine...
De même que l'on gardera toujours en mémoire ces «Chats Persans» de Téhéran qui verront le film en DVD, certainement, en attendant de le voir un jour dans une salle obscure iranienne, débarrassée, par contre, de tout obscurantisme....
Ce jour-là, la compagne de Bahman Ghobadi, la journaliste Roxana Saberi, sortie ce week-end de la prison iranienne, sera certainement dans la salle pour savourer la victoire de l'esprit sur la force.


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