«Moins les terroristes sont nombreux, plus leur force de frappe est importante.» C'est en ces termes qu'un haut responsable, cité par un confrère, analysait la recrudescence des attentats terroristes de ce dernier mois. Mais ces foyers terroristes, même limités, sont assez entreprenants pour modifier la donne sécuritaire. Les experts en matière de sécurité sont partagés sur l'évaluation à donner à ce nouveau phénomène qui a vu se régénérer les groupuscules terroristes dans le sens où les massacres se multiplient dans l'Ouarsenis et les attentats urbains à la bombe ont refait leur apparition. Ce haut responsable estime entre «600 à 800» le nombre de terroristes demeurant en activité disséminés dans les régions de l'Ouarsenis (Tiaret, Chlef), de la Kabylie et de Batna. Mais cette disposition géographique n'explique pas du tout le redéploiement en termes de volume d'activité qui a affecté, en milieu rural, les wilayas de Chlef et de Aïn Defla avant de se concentrer dans la wilaya de Mascara qui est devenue l'épicentre des principaux massacres commis dans l'Ouest algérien. Le récent attentat perpétré à Zéralda laisse, toutefois, apparaître quelques détails troublants, notamment sur le modus operandi de ces groupes. La manière dont a été mutilée la femme de la plage de Zéralda (mutilation des parties génitales) ressemble étrangement aux sévices subis par les femmes assassinées à Tiaret une semaine auparavant, ou à Annaba, à la fin août. En s'attaquant aux femmes en priorité, les groupes terroristes ne font que reprendre une vieille pratique qui date de l'époque du Fida, seule organisation qui s'était durablement implantée en milieu urbain et qui, à son démantèlement, après la mort de l'émir Brahimi, Alger avait recouvré sa quiétude. Ces attentats ciblés sont autant de messages surtout qu'ils interviennent dans des villes (Alger, Tiaret, Annaba...) et qui portent une symbolique. Car pour les groupes islamistes extrémistes, la symbolique a autant d'importance que l'action. La campagne à la bombe à Alger a été inaugurée à la rue de Chartres, à Bab Azzoun, à quelques mètres du lieu de l'attentat de la rue Bouzrina, ce qui préfigure de l'infiltration avérée de groupes à l'intérieur de la capitale. Pour les experts en matière de sécurité, cette recrudescence est liée à trois facteurs. Premièrement, le GIA et le Gspc redoublent d'activité traditionnellement lors de la rentrée sociale où le contexte est toujours propice à un impact répercutant et cette reprise est étroitement interdépendante des événements de Kabylie. Le fait qu'ils aient choisi Alger est facilité par la levée des barrages de police et de gendarmerie sur l'axe Bouira-Tizi-Alger, surtout durant le mois de juin afin de permettre le déroulement des marches populaires, ce qui aurait permis aux groupes terroristes une implantation commode. Deuxièmement, cette recrudescence coïncide avec la fatigue stressante et la démobilisation des forces de sécurité qui sont sur la brèche depuis une dizaine d'années. Couplée à la baisse de vigilance citoyenne du moment que le spectre du danger devenait lointain, cette démotivation générale a laissé des espaces vacants à la réimplantation des groupes terroristes dans les villes ou dans les maquis. Troisièmement, les événements de Kabylie ont indirectement encouragé les groupes terroristes à ambitionner de réinvestir une capitale verrouillée auparavant. Constatant le traitement réservé aux forces de sécurité dans la Kabylie, surtout la gendarmerie, dans une sorte de guérilla urbaine où il ne manquait que les armes à feu (harcèlement, incendie des brigades, immobilisation des patrouilles) qui ont mis les services de sécurité en position défensive, les groupes du Gspc de Hassan Hattab reprennent l'initiative. Ces trois facteurs conjugués au redéploiement des islamistes sur le terrain politique, surtout à travers l'approche d'un congrès de l'ex-FIS qui se profile aux Pays-Bas, ont revigoré le corps terroriste pour presser davantage le pouvoir. La situation est extrêmement mûre pour cela, à charge aux forces de sécurité de trouver une riposte antiterroriste adéquate et novatrice à ce nouveau défi sécuritaire.