Les déclarations du ministre de l'Energie et des Mines, à propos du développement du nucléaire civil, n'ont pas suscité de réactions de la part des ingénieurs et techniciens spécialisés dans le domaine. L'enrichissement de l'uranium, nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires, n'est pas facile. L'Algérie ne dispose pas de la technologie indispensable pour enrichir l'uranium avait déclaré au Forum de l'Entv, dont il était l'invité le 6 juin dernier, Chakib Khelil. Il a en outre signalé l'absence de compétences nationales dans le domaine du nucléaire civil. Faut-il pour autant en abandonner l'option? La question est désormais posée. L'on ne s'attendait pas à une levée de boucliers après une telle sortie médiatique, mais à au moins une réaction, aussi liminaire soit-elle, de la part de la communauté scientifique en priorité et de la classe politique toutes tendances confondues, ensuite. Ne s'agit-il pas là, en effet, d'une question majeure et sensible qui doit engager l'Algérie dans la voie du développement? Celui de l'après- pétrole et libérer l'économie nationale de sa dépendance par rapport à ses exportations en hydrocarbures. Silence radio. Très peu de commentaires. La presse écrite s'en est fait l'écho. Sans plus. Les nations qui ont le désir d'avancer ne peuvent reculer devant aucun obstacle. Les obstacles, lorsqu'ils les contrarient, elles les contournent pour mieux les franchir et continuer à compter sur l'échiquier international, tout en tenant compte des mutations que subissent leurs sociétés. A titre d'exemple, pas plus tard qu'hier le président de la République française a pris en considération la percée historique des écologistes aux élections européennes. «La France, en tête de tous les pays sur l'énergie nucléaire, pensait ne pas avoir besoin des énergies renouvelables...Nous allons prendre aujourd'hui des décisions, pour les énergies renouvelables, aussi importantes que celles qui ont été prises dans les années 1960 par le général de Gaulle pour le nucléaire», a promis Nicolas Sarkozy qui entend bien surfer sur la «vague verte». Et pour montrer sa détermination à jouer dans la cour des Grands dans un domaine où pourtant la France a pris beaucoup de retard, il a déclaré: «Nous allons devenir leader des énergies décarbonées de demain sans rien abandonner de ce que nous avons comme avance sur le nucléaire. Là où nous dépensons un euro pour le nucléaire, nous dépenserons un euro pour les énergies propres.» Voilà le type de discours qu'auraient aimé entendre les Algériens de la part de ceux qui ont en charge les affaires de leur pays. Au lendemain de l'éclatante victoire des Verts aux élections européennes il y eut un grand débat, en France notamment, autour du nucléaire qui a réuni d'éminents spécialistes. Que s'est-il passé en Algérie après les déclarations de Chakib Khelil? Certes, il y eut cette magnifique victoire des «Verts» (à ne pas confondre avec les écologistes européens) contre l'Egypte en qualifications jumelées des Coupes du monde et d'Afrique, qui n'a pas complètement mis fin à toutes nos frustrations. On a parlé de génies français, américain, allemand, nippon, chinois...Pourquoi pas de génie algérien? Et ce succès retentissant face à ces Pharaons qui donnaient l'air d'être indomptables, n'est-ce pas la preuve par neuf? Il est vrai que le nucléaire, sans plaisanterie aucune, est une question beaucoup plus délicate que le football. Il n'empêche que ce dernier demande aussi du savoir-faire. Serions nous à ce point handicapés pour lancer à la face du monde que nous ne maitrisons pas telle technologie ou tel domaine des sciences et encore moins d'en posséder les compétences? Ces compétences que l'on n'a pas su retenir et qui font aujourd'hui le bonheur de ces grandes puissances dans le domaine du nucléaire civil et des énergies renouvelables. Dès les premières années de l'Indépendance, l'Etat Algérien s'est investi corps et âme dans la formation de spécialistes dans de nombreux secteurs. A ce titre, et avec les moyens de bord de l'époque, l'Institut d'études nucléaires d'Alger s'était fixé comme objectif «d'assurer à ses étudiants et à ses chercheurs une solide formation et de puissants moyens d'investigation originaux dans le domaine du nucléaire...» tout en ayant comme priorité de «former rapidement ici, sur place, des physiciens, des ingénieurs et des techniciens à cause des besoins suscités par l'industrialisation de l'Algérie». C'était l'époque où il fallait tout construire. Qu'est devenue toute cette matière grise? Partie très probablement. Aujourd'hui que les moyens sont cent fois, voire mille fois plus importants, qu'avons-nous mis sur pied? La stratégie industrielle? «Nous sommes sur le point de terminer le premier jet de ce que sera la stratégie industrielle. Elle sera présentée en septembre» avait déclaré en juillet 2006 Abdelhamid Temmar. Et que nous dit-il au mois de décembre 2007? «Nous n'avons pas de grande stratégie industrielle» avoue le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Pour qu'elle soit définitivement enterrée après la déclaration du Premier ministre le 11 mars sur les ondes de la Chaine III. «Pour cette stratégie industrielle, je vais être brutal, elle a fait beaucoup plus l'objet de communications que d'actions. Elle n'a jamais été adoptée en Conseil des ministres» a révélé Ahmed Ouyahia. Aucune réaction n'a été enregistrée de la part des experts algériens qui ont élaboré le document de ce projet, puis ont participé et applaudi, lors de la tenue des assises de la stratégie industrielle. Comme d'ailleurs les spécialistes n'ont soufflé mot lorsque deux ministres de la République se sont rejetés la balle lors d'une précédente crise de la pomme de terre en novembre 2006. Une preuve que l'on ne possède même pas la maitrise de la régulation des prix des marchés des fruits et légumes. Pour le nucléaire, cela doit être une autre paire de manches. Quant aux énergies renouvelables, nous devons tout de même avoir une petite longueur d'avance sur la France, à moins que fabriquer des capteurs photovoltaïques ne soit pas à la portée de nos scientifiques?