L'enrôlement d'enfants-soldats n'est certes pas le nouvel avatar d'une guerre civile débutée en 1991, mais le phénomène inquiète de par son ampleur. Du haut de ses 13 ans et fort de ses deux années d'entraînement, Hussein Abdi, kalachnikov en bandoulière, se bat à Mogadiscio comme de nombreux autres enfants-soldats, un phénomène déjà ancien mais qui prend une ampleur inégalée. «Je crois que les braves meurent jeunes, donc il n'y a pas d'âge pour être un soldat de Dieu», explique l'adolescent, abrité derrière des sacs de sable du quartier de Tarbunka, une position qu'il défend pour l'une des principales milices islamistes radicales de Somalie, Hezb al-Islamiya. «C'est ce que mes amis et moi avons choisi, sans y être forcés, et je suis heureux d'être là», affirme Hussein. Une position si clairement énoncée qu'elle sonne faux. L'enrôlement d'enfants-soldats n'est, certes pas le nouvel avatar d'une guerre civile débutée en 1991, mais le phénomène inquiète de par son ampleur et surtout son caractère désormais systématique. Toutes les parties au conflit actuel, des milices islamistes radicales au gouvernement soutenu par la communauté internationale, sont impliquées dans le recrutement de mineurs, selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Le recours à des enfants-soldats «n'est malheureusement pas nouveau en Somalie mais ce qui semble nouveau, c'est l'étendue et le caractère systématique de ces recrutements par toutes les parties», explique Isabella Castrogiovanni, spécialisée à l'Unicef sur la Somalie. «Il y a semble-t-il, une campagne délibérée et active de recrutement d'enfants», ajoute-t-elle. Mohamed Abdulkadir Mursal, 15 ans, se bat pour l'armée gouvernementale. Son frère a déjà péri au combat. «Je sais que ce n'est pas un travail ordinaire pour un enfant (...) mais je me moque du qu'en-dira-t-on car j'ai choisi de vivre et de mourir de cette façon», tranche le jeune homme. Sur les 250.000 enfants-soldats recensés par l'Unicef dans le monde, plusieurs milliers - on ignore le nombre exact - se battent en Somalie, poussés entre autres par la pauvreté et un très faible taux de scolarisation. Selon une étude à paraître de l'Unicef, l'enrôlement se déroule dans les écoles et les camps de déplacés où s'entassent 1,3 million de civils ayant fui les combats. De nombreux observateurs et groupes de défense des droits de l'Homme soupçonnent également les milices de «faire leur marché» dans les camps de réfugiés des pays voisins, notamment au Kenya. L'enrôlement n'est pas systématiquement forcé. Parfois «volontaire», il est le fruit d'un travail psychologique, offrant par exemple à une recrue la possibilité de venger la mort d'un parent. Ainsi, Hussein Abdi a quitté l'école en 2007, peu après l'intervention de l'armée éthiopienne en Somalie. Son oncle sera tué dans des combats avec les troupes d'Addis Abeba: «C'est pourquoi j'ai pris les armes, pour combattre les soldats colonisateurs et leurs laquais somaliens». La tête enserrée dans un turban rouge, il avoue ne jamais s'être considéré comme un enfant-soldat: «Mais pourquoi pas? Après tout, ce n'est pas un crime, à ma connaissance». Le recrutement d'enfants constitue une violation de la Convention internationale des droits de l'enfant et le recours à des mineurs de moins de 15 ans un crime de guerre. Selon des enfants-soldats et des ONG, les futures recrues sont également appâtées avec la promesse de nourriture ou encore de récompenses telles qu'une bicyclette. «Nous ne recevons pas de salaires réguliers du gouvernement mais lorsqu'il y a des combats, l'argent coule à flot», décrit Ali Yare, 13 ans: «Du coup, on provoque parfois des combats en tirant sur nos adversaires.»