Le procès qui a débuté hier à la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, a valeur de symbole. Thomas Lubanga, ancien chef de milice congolais, est accusé d'avoir enrôlé des enfants dans un conflit armé, une première pour la justice internationale. L'identité du prévenu est presque secondaire tant la CPI veut faire de ce procès un avertissement. La tragédie des enfants-soldats touche encore de nombreux pays, notamment africains. L'exemple congolais n'est peut-être qu'un crime de guerre parmi tant d'autres, mais le fait qu'il soit poursuivi par la justice suffit à redonner espoir aux défenseurs des droits de l'homme. La CPI aurait ainsi mis fin à l'impunité des « seigneurs de la guerre ». Diplômé en psychologie, Lubanga était doué en affaires, notamment en agriculture et commerce de l'or jusqu'à ce qu'il devienne, au début des années 1990, le chef charismatique de l'Union des patriotes congolais (UPC). Ce groupe, dominé par l'ethnie héma dont il est issu, suscitait l'effroi de la population en Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) ravagé par la guerre civile. Tantôt allié à l'Ouganda tantôt au Rwanda, l'UPC est, selon l'accusation, responsable des massacres de centaines de civils. En septembre 2002, le mouvement UPC est rebaptisé Union des patriotes congolais-Réconciliation et paix (UPC/RP). Thomas Lubanga en prend la présidence et désigne, par décret, les principaux membres de l'exécutif pour l'Ituri. Dans un second décret, il crée de manière officielle les FPLC au sein desquelles il continue d'assumer la position de commandant en chef. L'UPC recrutait activement des enfants de moins de quinze ans et les soumettait à un entraînement militaire, notamment dans son camp de Sota. Cette pratique se serait systématisée avec la création des FPLC. Les enfants devenaient les gardes du corps de hauts responsables militaires du FPLC. Ce mouvement avait ainsi – selon les termes utilisés lors du procès – une « armée d'enfants ». Selon radio Okapi, la station radiophonique de la Mission des Nations unies en RDC (MONUC), Thomas Lubanga aurait décrété que chaque famille vivant dans les zones sous son contrôle devait impérativement contribuer à l'effort de guerre en donnant une vache, de l'argent ou un enfant devant rejoindre les rangs des rebelles de sa milice C'est ainsi qu'eut lieu l'une des guerres les plus atroces, alimentée par les rivalités ethniques et la cupidité. L'enjeu des deux parties consistait à s'assurer le contrôle des terres les plus fertiles et surtout les accès aux mines d'or. Pas moins de 60 000 Congolais ont perdu la vie. Le conflit a été marqué par les images insoutenables de ces enfants armés de kalachnikovs à peine plus grandes qu'eux. Recrutés pour leur docilité, ils étaient utilisés pour les missions les plus dangereuses, les plus sales, les plus inhumaines. « Thomas Lubanga savait que ces crimes étaient commis, il avait le contrôle de ses troupes, donnait les ordres et supervisait le recrutement des enfants-soldats dans sa milice », a affirmé la procureur adjointe, Fatou Bensouda, à la CPI. Le procès, présidé par le Britannique Adrian Fulford, est prévu pour durer six à neuf mois. Clés : Il existe 300 000 enfants-soldats, selon l'Onu, dont plus d'un tiers se trouve en Afrique. 13pays sont inscrits sur la liste noire des Etats en conflit utilisant massivement des enfants-soldats : Afghanistan, Burundi, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Birmanie, Népal, Somalie, Soudan, Tchad, Colombie, Philippines, Sri Lanka et Ouganda. 6 millions d'enfants ont été gravement blessés ou mutilés à vie dans différents conflits à travers le monde