«Jalouse» de sa dimension populaire qui reste intimement liée à la lutte de Libération, l'ANP tient toujours au Service national. L'institution militaire a décidé d'accorder la dispense à deux catégories d'universitaires: il s'agit de ceux qui ont terminé leurs études et ont eu leurs diplômes avant l'année 2006 et ceux qui ont abandonné les études avant cette même année. Aussi, les jeunes concernés sont invités à se présenter aux bureaux de recrutement de leur région militaire afin de récupérer leur dispense. Il va sans dire que cette décision, entamée voici plusieurs semaines, fera plaisir à des milliers de jeunes qui attendaient ce sésame, mais, elle permettra aussi de désengorger les casernes et les centres d'instruction en attendant la sortie de plusieurs contingents. Il s'agit en fait d'une parade trouvée par les services de l'ANP pour faire face une poussée démographique importante. Des sources militaires nous ont affirmé que durant ces cinq dernières années, l'institution n'arrive pas à répondre aux demandes des milliers de jeunes qui veulent intégrer volontairement les rangs de l'Armée pour y faire carrière. La professionnalisation de l'ANP est-elle en marche? Tout porte à le croire. Selon des sources autorisées, le processus peut prendre des années avant son aboutissement. Toutefois, il peut être favorisé ou contrarié par le climat politique et social. Aujourd'hui, la fameuse «carte jaune» qui dispense le jeune de son Service national ne représente plus un infranchissable obstacle pour ceux qui sont chargés de famille. Dans chaque wilaya, il existe une commission présidée par le wali qui s'occupe directement de ce dossier en coordination avec les services de la Gendarmerie nationale et en collaboration avec le Bureau de recrutement de la région militaire concernée. Les dossiers sont traités, selon toujours les mêmes sources, avec diligence et les «cartes jaunes» remises à ceux qui fournissent des justifications tangibles. Selon toujours nos sources, la professionnalisation de l'Armée ne doit en aucun cas prendre la forme d'une rupture: elle doit être progressive. Les paramètres de la stabilité politique et sociale sont indispensables pour une telle démarche, nous a-t-on affirmé. «Jalouse» de sa dimension populaire qui reste intimement liée à la lutte de Libération nationale, l'ANP tient toujours au Service national. Elle est en train de réadapter le dispositif aux nouvelles conditions. Certaines informations avancent que le Service national, par ailleurs obligatoire selon la loi en vigueur, devrait disparaître à moyen terme. Cependant, nos sources affirment qu'une telle éventualité n'est pas à l'ordre du jour et «dire que l'obligation du Service national sera définitivement abandonnée est encore prématuré». Le Service national a quarante ans. Depuis 1969, année où cette institution a été fondée, ce sont des millions d'Algériens qui y sont passés sous les drapeaux pour contribuer largement à l'affirmation du caractère populaire de l'ANP. C'est en partie grâce à cette institution que le régionalisme, un des fléaux qui rongeait l'Algérie durant la période postindépendance, a été anéanti. De nombreux sociologues ont fait ce constat et ils l'ont prouvé. En plus des grands chantiers tels que le Barrage vert, la construction des villages agricoles et particulièrement la «route de l'Unité africaine» où le Service national a été mis à l'épreuve, les éléments du contingent ou les «Appelés» ont contribué grandement à combler l'absence ou le déficit en encadrement civil dans les régions isolées. Entre 1969 et 1979, des centaines de médecins et d'enseignants en tenue de combat ont investi lycées et hôpitaux durant le Service national. Il y a eu après la crise politique et le terrorisme. Ces deux facteurs ont profondément marqué cette institution dans la mesure où l'ANP a été obligée de s'impliquer pour sauver la République de l'implosion et du chaos. Après le retour progressif de la paix, le débat est de nouveau recentré sur la perspective de la professionnalisation de l'Armée. Après plus d'une décennie d'une lutte antiterroriste à tous les niveaux où de nombreux Appelés ont été impliqués, le commandement de l'Armée nationale populaire, qui a procédé à l'analyse de la situation, a fini par tirer des conclusions qui ne vont pas tarder à changer la configuration du Service national. Tout a commencé avec la réduction de la durée d'incorporation de 24 à 18 mois pour aboutir logiquement, vers une professionnalisation de l'ANP.