«On est là jour et nuit pour marquer une opposition féroce jusqu'à la satisfaction de nos doléances.» Une cinquantaine de dockers rassemblés hier, devant la direction générale de l'entreprise portuaire d'Alger(Epal) dénoncent les conditions dans lesquelles ils travaillent et crient à la hogra. «On travaille comme des bourriques». Partis depuis le mois de mai pour travailler à la société Dubaï World Port au terminal à conteneurs du port d'Alger, les arrimeurs ont du mal à s'adapter à la nouvelle organisation du travail qui leur a été «imposée». Contre toute attente, ils étaient surpris par une augmentation vertigineuse du volume horaire du travail. Paradoxalement à cette situation, «nos salaires sont demeurés fixes comme s'il est interdit de nous payer en fonction de notre rendement», a déclaré à L'Expression Laribi Azouz, en colère. Quoique les mots semblent lui échapper, notre vis-à-vis veut tout dire et affirme que les textes sont clairs: «Si l'employé n'arrive pas à s'adapter aux nouvelles conditions d'exercice à la DWP, il est permis à Djazair Port World de le transférer à l'Epal», précise M.Laribi. C'est dire que l'ensemble des dockers concernés ne veulent pas lâcher prise et comptent rejoindre l'entreprise mère. «On est là jour et nuit pour marquer une opposition féroce jusqu'à la satisfaction de nos doléances», lance un des employés. A les entendre, on comprend l'ampleur du bras de fer les opposant à la direction générale de l'entreprise portuaire. La hogra qu'évoquaient les dockers est multiple. Considérés comme des employés permanents, certains sont surpris de se voir «réduits» à de simples contractuels au regard de leurs cartes professionnelles. Les dockers contestataires sont allés jusqu'à souligner «le diktat de l'administration». Sous-payés, selon leurs dires, ils affirment avec vigueur que leur paie ne suffit pas parfois au règlement des soins. L'un des leurs a dû débourser 9000 dinars pour soigner une infection à l'oreille. D'autres ont longtemps résisté mais n'ont pas pu vaincre des maladies professionnelles dues au manque d'hygiène. Le nom de Rabah Merad revient à l'esprit et réveille la mémoire des dockers qu'ils l'ont côtoyé plusieurs années durant. Décédé des suites d'un cancer, Aâmi Rabah est une victime «d'un laisser-aller excessif», soulignent ces dockers rassemblés devant la direction générale de l'Epal. Une autre victime a rendu l'âme suite à la chute de trois conteneurs. «Il a été enterré dans une valise», témoignent plusieurs débardeurs. Unanimes, ils s'accordent à dire que travailler comme docker, c'est mettre sa vie en péril. Le nombre de blessés inquiète également. L'humidité, la pollution, les heures supplémentaires non payées...sont, entre autres, des facteurs qui font craindre le pire. «Comment voulez- vous qu'on ne pense pas à la harga même si la plupart des tentatives se soldent par des bilans funestes où des personnes sont dévorées par les eaux de la mer?», se demande l'un des dockers désabusé. Un autre problème évoqué par les dockers consiste en l'éloignement que connaissent les personnes habitant en dehors de la capitale. Selon les personnes interrogées, ils ne se rendent chez eux qu'une fois tous les trois mois. Autrement, chaque jour passé chez soi pour ces «étrangers», sera déduit automatiquement du congé annuel. L'un des témoignages ayant attiré notre attention concerne un employé venant de Thenia El Had (Tissemsilt). Acte de décès datant du 23 mai 2009 à l'appui, un docker en larmes affirme avoir raté l'enterrement de son père Boutouchent Kenoui. «Je n'étais pas autorisé à me rendre chez moi pour enterrer mon père», regrette-t-il, la gorge nouée.