Le Code pénal a permis la création de centres d'écoute pour les victimes qui peuvent s'exprimer, se plaindre et dénoncer. Profitant de leur position, des enseignants universitaires attendent au tournant des étudiantes préparant leur examen de rattrapage pour leur distribuer «les meilleures» notes. Des notes chèrement acquises au point d'équivaloir l'honneur des filles à peine sorties de l'adolescence. Les témoignages recueillis à l'université d'Alger suscitent l'écoeurement. «L'examen, c'est donnant- donnant», explique Nassima après plusieurs minutes d'hésitation...et d'un silence. Inscrite en 3e année communication et relations publiques à l'Institut des sciences de l'information et de la communication (Isic), elle sort de son mutisme et évoque «un chantage» de son professeur. Sans scrupules, un enseignant «bloque» cette fille depuis deux ans. Cette année sera-t-elle la troisième? «J'ai fini par craquer en acceptant de me rendre chez lui à Alger où il s'est jeté contre moi comme un...» Elle retient le terme et se contente de dire: «Je ne m'attendais pas à cela.» Un cas qui en cache d'autres de ce qui est appelé communément «promotion canapé», pratiquée par des enseignants universitaires qui s'y livrent pour assouvir leur instinct bestial. Quant à Nadjet, étudiante en 2e année anglais, elle est surprise par le comportement d'un enseignant «prédateur». Ayant habitué ses parents à des prouesses intellectuelles du premier rang, elle a tout fait pour éviter l'examen de synthèse. En vain. Un module contraignant l'a empêchée d'avoir une moyenne égale ou supérieure à 10/20. Son admission a finalement eu lieu mais en «vendant gratuitement» son corps. Tête baissée, Nadjet veut effacer cette image de sa tête, sans y parvenir. Et de reconnaître, d'une voix très basse: «Ce ne sont que des attouchements...je ne referai plus ça», a-t-elle promis. Les témoignages ne courent pas la rue. Et s'ils se font, c'est à demi-mots. On ne veut pas rompre le silence de peur de se faire lyncher dans tous les sens. Apostrophées sur les possibilités de recours, ces étudiantes affirment qu'elles s'avèrent non seulement inefficaces, mais laissaient les agresseurs libres de harceler. Les opposants à cette pratique réclament une réforme des procédures de traitement et de sanction pour ces agissements. Ils insistent également sur la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention au niveau national. Ainsi, les étudiants qui se sont donné avec respect aux normes des études supérieures, ne se voient plus devancer à la fin de chaque année scolaire par des étudiantes «ensorcelées» par des enseignants dont la vie de couple est vieillissante. Par ailleurs, il convient de préciser que dans certains cas ce sont des étudiantes qui jouent leur va-tout afin d'attirer l'attention d'un enseignant qui peut leur «sauver l'année.» Que dit la loi concernant ce phénomène? Nadia Aït Zaï enseignante à la faculté de droit de Ben Aknoun, fondatrice et directrice du Centre de documentation pour les droits des femmes et de l'enfant, s'est déjà exprimée sur le sujet. «La loi algérienne prend en charge le fléau», a-t-elle dit. Sur la lutte contre le harcèlement, la juriste affirme que les efforts des femmes pour la reconnaissance de ce phénomène ont abouti. L'adoption de l'article 341 bis du Code pénal, en octobre 2004, a permis de créer des centres d'écoute pour les victimes qui peuvent s'exprimer, se plaindre et dénoncer. Chose que les étudiantes, pour divers motifs, refusent de faire. Aucune poursuite n'a été enregistrée en ce qui concerne le harcèlement dans les universités. «Mais cela n'empêche pas qu'il est une réalité», avait souligné Mme Aït Zaï. «Il ne faut pas prendre le harcèlement sexuel tel que prévu dans le Code du travail. Dans le milieu scolaire, l'on est loin d'une relation de subordination», précise H.M, juriste internationale. La relation père-fille qui lie l'enseignant à l'étudiante s'effondre comme un château de cartes pour laisser place à des comportements abjects.