Les repentis de l'Armée islamique du salut reviennent à la une. Les accords qui les lient à l'Autorité militaire refont, de fait, surface. Plusieurs personnalités politiques de la direction de l'ex-FIS estiment qu'il existe «réellement» des accords entre l'Armée et l'AIS, répondant ainsi aux déclarations du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, qui, lors d'un point de presse tenu il y a une semaine à l'Amia de Cherchell, a affirmé que la trêve, puis l'autodissolution de l'AIS (Armée islamique du salut, bras armé de l'ex-FIS) ne sont pas le fait d'un accord concocté avec l'armée, mais bien un «ultimatum» lancé par l'autorité militaire aux chefs de cette organisation armée. Au moins trois responsables de la direction politique de l'ex-FIS estiment que les propos de Lamari sont destinés à la consommation publique, ou sont «une façon de se soustraire aux obligations qu'ont les responsables politiques et militaires du pays vis-à-vis des implications de cet accord». Ils estiment, en outre, que ces accords (qu'ils n'ont ni vus ni encore moins consignés) sont le fruit d'une «concertation entre trois parties, la présidence de la République, l'autorité militaire et les responsables de l'AIS», et qu'il existe des noms «délégués par ces trois parties, pour mener à terme cet accord». «Pensez-vous que Fodil-Chérif ait pu se déplacer à Jijel et rencontrer des chefs de l'AIS, entourés de dizaines d'hommes armés, s'il n'y avait pas eu des contacts auparavant et des liens solides qui avaient interdit de s'en prendre à l'émissaire de Lamari?». Répondant à leur propre question, ils estiment que la trêve de l'AIS n'a constitué ni une «reddition» ni encore moins un «ultimatum» de l'armée à l'AIS, mais bien «une disposition de fin des hostilités que la direction de l'ex-FIS avait encouragée afin de mettre à nu les exactions des GIA contre le peuple». En fait, estiment-ils, les propos de Lamari sont «humiliants», «provocateurs», et «irresponsables», et le carnage de Larbaâ «pourrait bien être une réponse aux déclarations du chef de corps d'armée». «Il est quasiment irréaliste de dire que des chefs de l'armée sont montés aux maquis inexpugnables de Jijel pour signifier aux dizaines de jeunes hommes armés de se rendre sous peine qu'ils seraient écrasés...C'est invraisemblable!». Les véritables «intéressés» de l'accord, les chefs militaires de l'ex-AIS, optent pour un motus et bouche cousue olympien, Kertali s'enferme à Larbaâ dans son mutisme, tout comme Benaïcha, à Chlef, Mustapha Kebir à Collo et l'ex-émir national, Madani Mezrag à Jijel. Le silence des principaux chefs de l'AIS fait-il partie de l'accord? On serait tenté de le croire d'autant plus qu'ils font de grands efforts pour maintenir les équilibres précaires entre leurs ex-«moukatiline» et leur tentation de se rallier aux GIA. Rencontré dernièrement à Médéa, l'émir de la Lidd (Ligue islamique de la daâwa et du djihad), Ali Benhadjar est d'un tout autre avis. «Qu'il y ait des accords écrits portant fin des hostilités entre l'ANP et l'AIS, j'en doute fort. Mais je sais qu'il existe des accords verbaux passés entre hommes de bonne foi et qui ont agi pour le bien de l'Algérie. Ces hommes existent et sont toujours en vie.» Ali Benhadjar, dont l'organisation, la Lidd, a intégré le cadre de l'AIS et s'est autodissoute au lendemain du 13 janvier 2000, met en doute l'existence des accords, mais parle des profonds problèmes qui agitent la mouvance des repentis, depuis qu'ils ont déposé les armes. «La solution de ces problèmes peut contribuer à apaiser les tensions, et à éloigner toute velléité de rejoindre les GIA, pour les esprits les plus tentés par la reprise de la violence.» Mots lourds de sens et qui mettent en avant la précarité de la docilité des repentis. Le «wait and see» n'a mené à rien. Beaucoup de repentis ont rejoint la société civile sans pour autant s'y intégrer normalement. Beaucoup ont rejoint les prisons...pour vol. «C'est effarant et alarmant, dit un ex-chef affilié à l'AIS, aujourd'hui, chauffeur de taxi. Certains repentis ne trouvent même pas de quoi nourrir leur femme, et sont contraints de s'en séparer ou d'aller voler.» Alors accord ou pas accord? Un responsable militaire, emboîtant le pas aux propos de Lamari, est affirmatif: «Que celui qui parle d'accords le démontre. Que celui qui affirme qu'il existe des écrits nous exhume ne serait-ce qu'une copie dudit accord...» Il est vrai que nous sommes, dans le contexte actuel, en plein dans les sentiers de Dieu.