Le président de l'Union des juristes Sherpa William Bourdon, a exprimé hier, dans les colonnes du journal Le Monde, ses inquiétudes face «au retour sournois du délit de faciès en France». «Ces dernières années, certaines des activités de surveillance policière semblent avoir franchi une ligne rouge car elles ont pratiqué le profilage ethnique et religieux, une méthode de contrôle au faciès qui se fonde sur des généralisations abusives sur l'origine ethnique, raciale, religieuse ou nationale pour identifier les personnes qui pourraient être impliquées dans des activités terroristes», écrit le juriste estimant que «cette évolution est préoccupante car elle stigmatise les musulmans de France». «Si la France succombe à la tentation d'appliquer le profilage ethnique et religieux à la lutte antiterroriste - y compris dans les mesures administratives préventives-, les procédures d'expulsion et les arrestations pour délit d'association d'autres pays européens risquent de suivre l'exemple français, et le danger de terrorisme pourrait s'accroître», a mis en garde le juriste. Il a constaté que «ces dernières années, les évaluations du risque terroriste établies par la police française ont jeté la suspicion sur des musulmans, uniquement parce que ceux-ci pratiquent leur foi de manière conservatrice». «La surveillance des musulmans et des organisations musulmanes en France a augmenté depuis la création de pôles régionaux de lutte contre l'islam radical, qui ciblent explicitement des personnes et des lieux en se fondant sur des critères religieux», écrit-il, rappelant qu'«après les attentats de Madrid en mars 2004 et de Londres en juillet 2005, les citoyens français d'origine nord-africaine ont fait état d'une hausse significative des contrôles d'identité dans les trains et les rues, partout dans le pays». Aussi, de nombreux musulmans et Maghrébins ont déclaré qu'ils ont été stoppés, interrogés et fouillés par des policiers sur la seule base de leur apparence physique. «Comme il fallait s'y attendre, ces mesures ont dégradé les relations entre le gouvernement et les musulmans de France», souligne William Bourdon, qui préconise que «les lois et les lignes de conduite devraient établir des normes claires et précises, fondées sur une norme de suspicion raisonnable» et que «les informations fournies aux médias à propos des actions de maintien de l'ordre ne devraient mentionner l'éthnicité des personnes impliquées que lorsqu'elles sont directement pertinentes et nécessaires à l'intérêt public». L'association Sherpa est un réseau international de juristes, basés en Europe, Amérique du Nord, Afrique, Asie, Amérique latine, qui travaille en lien avec des organisations de défense des droits de l'homme et des associations de protection de l'environnement.