Nos villes balnéaires connaissent, ces derniers temps, une véritable détérioration et dégradation environnementale, architecturale, urbanistique et même morale. Qui se souvient d'El-Djamila, La Madrague? Ceux qui ont eu la chance de la connaître au cours des années 60, ont, en mémoire, ses plages de sable, ses dunes, ses rochers, ses roseaux, ses arbres, c'est-à-dire tout ce qui faisait le charme de cette station balnéaire, et dont il ne reste strictement rien. Elle a été défigurée, rongée par le béton et les constructions illicites. C'est l'anarchie la plus totale qui a pris possession des lieux. Cette situation est le résultat logique d'une démission totale des gouvernants et des administrés. La persistance et l'aggravation de l'état de nos villes, en fait, sont dues aux divergences et au manque de communication et de collaboration entre les deux acteurs (les autorités et la population). Le cas d'El-Djamila (ex-La Madrague) en est un exemple. Sa population s'est, d'ailleurs, soulevée contre la mauvaise gestion des responsables. Jadis, cette ville, station balnéaire féerique, attirait visiteurs et amateurs de la nature et de la mer qui venaient de partout. Aujourd'hui, à cause des problèmes auxquels elle est confrontée, elle a perdu de sa renommée. Et pourtant, tel que stipulé par l'article n°02 du cahier des charges et règlements de cette zone en février 1998, El-Djamila est classée zone touristique. Les problèmes de cette localité sont multiples. Ils sont d'ordre environnemental (pollution du littoral), urbanistique en l'occurrence les constructions illicites et enfin de moeurs à savoir l'alcoolisme et la prostitution. En effet, la plupart des commerces de cette commune sont soit des débits de boissons soit des boîtes de nuit. Le comble c'est que ces lieux ne répondent à aucune norme, puisqu'ils sont construits au milieu des habitations et de manière anarchique. Une dame d'un âge certain, rencontrée sur les lieux, nous raconte que «les résidents ne sortent plus la nuit de peur d'être agressés; plus de balade nocturne sur front de mer de peur d'être assailli». Un citoyen ajoute: «De jour comme de nuit, on voit des ivrognes, des voyous, des bandits et même des prostituées traîner dans la rue menaçant la sécurité des résidents.» Cloîtré à la maison n'est pas plus réjouissant puisque les bruits et les cris résonnent à l'intérieur. Selon des témoignages, cris et disputes les empêchent de fermer l'oeil la nuit. «Parfois, on est réveillé à cinq heures du matin par des bruits et des disputes acharnées», raconte une riveraine qui habite à proximité d'une brasserie. L'autorité des services de sécurité ainsi que celle de la police des moeurs se sont avérées impuissantes et inefficaces. Ils n'ont aucune maîtrise sur la situation. La justice s'est, également, montrée impuissante face à la propagation de ce «phénomène». Des gens sont allés jusqu'à saisir le procureur, pour mettre fin à ce genre de commerce lié à la «mafia de la boisson et du proxénétisme», en vain. «Il y a une complicité entre ces mafiosi et les autorités», s'indigne un citoyen, interrompu par un autre qui déclare: «Les autorités communales ferment les yeux sur ce qui se passe à La Madrague.» Même la réglementation a été violée, sinon comment expliquer l'existence de l'article n°09 dudit cahier des charges portant sur la protection contre les nuisances qui, au chapitre 9.1 sur la pollution sonore, stipule que «les immeubles, les établissements artisanaux et autres édifices, les véhicules et autres objets mobiles doivent être aménagés et exploités de manière à éviter l'émission de bruits susceptibles de constituer une gêne excessive à la population ou nuire à sa santé». L'aberration dans toute cette histoire, est que, «tous les bars de cette commune sont des biens de l'Etat», selon le maire de Aïn Benian, alors pourquoi de telles divergences entre la population et ses élus? A propos de ce phénomène, le maire nous apprend que «conjointement avec le wali, nous avons interdit l'ouverture d'autres bars». Pour ce qui est de l'existence d'une mafia des alcools, le président de l'APC explique que «la vente des boissons étant libres, soumise à des autorisations de la wilaya, nous ne pouvons que limiter le nombre de débits de boissons». Un autre problème a été soulevé par la population à savoir les constructions illicites. Concernant ce sujet, le maire affirme que toutes les bâtisses sont conformes aux normes exigées. «Si la construction n'est pas conforme aux normes, nous arrêtons tout et nous procédons à sa démolition», déclare-t-il. Dans ce cas, comment explique-t-on l'existence de la bâtisse qui donne sur le domaine public maritime en l'occurrence la plage La Fontaine? Le maire persiste à dire qu'«il y a toute une procédure à suivre avant d'arriver à la démolition». Quelques citoyens, soucieux du devenir de leur ville, se sont organisés en «association pour la sauvegarde d'El-Djamila» dès 1990. Malheureusement leur mouvement s'est «autodissous» à cause de conflits entre ses membres. M.Kahouadji, son fondateur, a expliqué que «les projets, conçus pour être réalisés dans le cadre de cette association, étaient très intéressants et à cause des divergences au sein du groupe tout est parti en l'air» El-Djamila s'inscrit à contre-courant de tous les discours sur la réhabilitation d'Alger et l'aménagement du territoire dans le respect de l'environnement.