Au même titre que certaines régions de l'Extrême Sud algérien, Djanet, Timimoun, Tamanrasset, Taghit attend son heure pour être propulsée au rang de destination touristique incontournable. Tel un météorite, elle surgit deux fois l'an, l'espace d'un Festival international du court métrage et le temps d'un Maoussim immémorial célébré trois jours durant pour rythmer le quotidien d'une population, qui, le reste du temps, est livrée à des aléas qui sont loin de constituer une sinécure. Au même titre que certaines régions de l'Extrême Sud algérien, Djanet, Timimoun ou bien Tamanrasset, elle attend son heure pour être propulsée au rang de destination touristique incontournable. Le tourisme saharien a ceci de particulier, il ne se pratique en général qu'à partir du mois d'octobre jusqu'au mois d'avril au plus tard. La raison est simple: les températures sont très clémentes durant cette période de l'année qui s'étale approximativement du début de l'automne à celui du printemps. Des conditions climatiques idéales durant pratiquement six mois pour les férus de randonnées et de bivouacs. L'événement est cyclique. Il a pour paradoxe d'illustrer les difficultés d'un secteur touristique qui ne tire que faiblement profit des énormes potentialités dont regorgent toutes ces régions si particulières du territoire national. Des patrimoines matériel et immatériel qui portent en eux un pan de l'histoire de l'humanité souvent pas assez mis en valeur, livré à lui-même. Des témoignages menacés faute de mise en place d'une véritable et efficace stratégie de préservation et de valorisation d'un héritage culturel au caractère universel attesté. Les lois et les décrets ne sont d'aucune efficacité si la présence sur le terrain et une vigilance accrue de tous les instants sont inexistantes. La menace est irréversible dans le cas de la préservation des peintures et gravures rupestres tandis que la folklorisation forcenée et tous azimuts des événements culturels à l'instar de la Sbeïba à Djanet dans le Tassili des Ajjers ou du Maoussim à Taghit témoignent, quant à eux, beaucoup plus d'une incompétence avérée de ceux qui ont en charge la responsabilité de ce secteur. Taghit «l'enchanteresse» vit ainsi, à la fin du dernier week-end de chaque mois d'octobre, au rythme de son Maoussim qui célèbre une fête dédiée entièrement à la datte. Des dons et des offrandes sont destinés aux familles les plus démunies. La récolte de la datte est aussi une occasion pour réunir l'ensemble des voisins de cette magnifique oasis de la Saoura autour de ce rite vieux de plus de XIX siècles. La tradition ainsi instaurée, est fêtée trois jours durant au rythme des instruments de musique: le bendir, le goumbri qui soutiennent des chorales dont les chants ressemblent à des complaintes qui parviennent des temps immémoriaux. Au même titre que la Sbeïba de Djanet dont le message est interprété à travers le prisme déformant d'un certain ethnocentrisme véhiculé par les ethnologues des anciens empires coloniaux et d'une folklorisation récente des nostalgiques de la culture dominante, le Maoussim de Taghit mérite autant que l'Ahellil du Touat-Gourara d'être élevé au rang de patrimoine mondial de l'humanité. Cette petite localité située à quelque 95 kilomètres de Béchar, le chef- lieu de wilaya, en plus d'être une petite merveille pour les yeux par la splendeur des dunes du grand erg occidental qui donne l'impression de lui tourner le dos tout en la protégeant est surtout un haut lieu de la civilisation néolithique. Les gravures rupestres de la région de Taghit représentent une faune très variée à l'instar de la station de Zaouïa Tahtania (éléphants, antilopes, autruches, gazelles et des représentations humaines) des trésors qui datent depuis plus de 5000 ans avant J.C. et qui furent découverts durant la colonisation française. Ce qui atteste d'une présence humaine dans la région de Taghit qui doit remonter à la nuit des temps et d'une civilisation de pasteurs artistes avérée que l'on retrouve dans le Tassili des Ajjers qui jouxte l'oasis de Djanet. Taghit, au même titre que les innombrables ksour que recèle le Sud algérien, représente avant tout une occupation humaine, rendue possible grâce à une abondance de l'eau qui a eu pour conséquence la pratique des travaux agricoles et la sédentarisation, par ricochet, des populations de pasteurs artistes dont le témoignage le plus édifiant est porté par les peintures et gravures pariétales qui nous sont parvenues à travers les âges. Aujourd'hui encore, l'économie de Taghit se résume essentiellement au travail de la terre. Près de 95% de la population de l'oasis sont des agriculteurs, de petits agriculteurs qui vivent principalement des travaux des champs. Leurs moyens sont rudimentaires. Une seule innovation de taille: l'apparition de la pompe à eau. Une machine qui aide à assécher un peu plus des puits qui ont du mal à se régénérer à cause des chutes de pluie irrégulières quand ce n'est pas des sécheresses qui peuvent durer plusieurs années. Certains y voient à long terme l'inexorable épuisement de la nappe phréatique. Des eaux fossiles qui témoignent d'un climat plus généreux il y a quelques milliers d'années. Cela sonne comme l'annonce d'une totale incompréhension, une rupture, entre l'homme et la nature, entre Taghit et ceux qui la savourent béatement le temps d'un festival.