Ce sont des universitaires pour la plupart et leur traitement coûte entre 40.000 et 50.000 DA par mois. Constantine: rue Messaoud Boudjriou ex-Saint-Jean. Une petite infrastructure au coin de la rue traite les grands problèmes de la société. Il s'agit du centre de prévention pour malades mentaux. Pas moins de 30 à 45 patients sont traités quotidiennement. Le siège n'est pas étranger aux malades mentaux puisqu'il a été jadis le cabinet du docteur Ben Smaïn, l'un des plus grands psychiatres algériens, avant d'être repris par le docteur Ben Cherif pour finir comme don pour être un centre spécialisé. Un médecin psychiatre, le Docteur Taleb, et 7 employés occupent un trois-pièces qui est loin de répondre aux conditions de travail. Pourtant leur souci premier c'est de mettre à l'aise les patients qui viennent parfois dans un état second. En dépit de tout, ils doivent garder le sourire et conserver leur calme pour gagner la confiance des malades. Alors que nous étions là à chercher des réponses à nos questionnements, la mère d'un malade fait irruption en criant à l'aide. Son fils, malade mental, a fait une fugue. Elle ne sait plus à qui confier son mal: «Aidez-moi s'il vous plaît, je ne sais plus quoi faire, j'ai besoin que le médecin me signe un document pour interner mon fils à l'hôpital, une fois retrouvé. La justice exige ce document», ne cessait-elle de répéter. Malheureusement, en l'absence du malade, aucun certificat officiel ne peut-être délivré même pour des raisons de sécurité. Le staff médical avait du mal à convaincre cette pauvre mère éplorée. Elle quitte le centre à la recherche de son fils âgé d'une trentaine d'années. Loin de la réalité souvent amère qui prévaut dans la société, les malades mentaux se sont créé un monde bien à eux. Ils vivent dans un contexte virtuel. Inconscients parfois, les malades mentaux peuvent à tout moment commettre l'irréparable. Victimes d'un échec scolaire, d'une déception sentimentale, de malheureuses circonstances sociales ou issus d'un mariage consanguin, cette tranche de la société semble ne pas focaliser l'attention des autorités. Livrés à eux-mêmes, ce sont surtout leurs familles qui vivent ce calvaire à la limite du soutenable pour la majorité. Le centre reçoit chaque jour de nouveaux cas: les patients accompagnés de leurs familles viennent de partout, parfois même du sud de l'Algérie. Ils ont plus de 17 ans et ce sont en grande partie des universitaires. Leur traitement coûte entre 40.000 et 50.000 DA par mois et c'est terrible et incompréhensible quand la Direction de l'action sociale n'honore pas la couverture sociale de ces patients qui sont pourtant une partie intégrante de la société, et de surcroît lorsqu'ils sont atteints à 100%. Un fait dénoncé par plusieurs familles de malades qui prennent en charge les frais de traitement à 50%. Des indiscrétions nous ont permis de savoir que le centre soigne des patients depuis 1968. Certains sont devenus au fil du temps très dangereux et ont même commis des crimes, à l'image de ce pompier qui a tué sa femme ou encore ce jeune qui mettra fin à la vie de sa propre mère. Pour nos interlocuteurs, qui ont entre 12 et 27 ans d'expérience, les plus dangereux des malades sont les intellectuels: «C'est vraiment très difficile de détecter le degré d'atteinte d'un intellectuel, surtout que les malades mentaux sont doués et intelligents» Le médecin tentera sur plusieurs séances de diagnostiquer le taux d'atteinte. Parfois, il faut plusieurs mois pour trouver le bon traitement. Le nombre de malades est en nette augmentation. Entre 4500 et 6000 cas sont traités par an. Mais les plus dangereux sont les SDF qui s'attaquent parfois aux passants. Parfois, ces familles, vu la cherté des médicaments, interrompent le traitement du malade. Nul ne se plaint: la loi les protège, et sur le plan de la religion ils restent impunis.