Faut-il s'attendre à une levée de boucliers des banques après l'interdiction du crédit à la consommation? La décision de la suspension du crédit automobile aura certainement des conséquences sur le paysage bancaire algérien. Cela ne fait aucun doute, selon Mohamed Ghernaout, analyste financier à qui on a demandé son avis sur l'article 75 de la loi de finances complémentaire qui limite désormais l'octroi du crédit aux particuliers uniquement à l'acquisition de l'immobilier. Cet analyste avoue ne pas comprendre les motivations qui ont poussé le gouvernement à prendre une telle décision, notamment si l'on se base sur l'ordonnance sur la monnaie et le crédit de 2003. Cette dernière n'a fixé aucune limite pour l'action des banques. C'est d'ailleurs une suite logique de la levée de la spécialisation qui a été opérée depuis le début des années 1990 avec la loi sur la monnaie et le crédit avant que celle-ci ne soit modifiée en 2003. Par la levée de la spécialisation, tous les secteurs d'activité sont ouverts au crédit que ce soit vis-à-vis des entreprises ou des particuliers. Nous avons tenté d'obtenir davantage de détails sur cette décision auprès de Abderrahmane Benkhalfa, délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), en vain. Nous avons surtout voulu obtenir son avis concernant l'attitude de l'Algérie qui autorise la création de filiales spécialisées dans le crédit pour que ce filon soit interdit par la suite. C'est effectivement la situation dans laquelle se retrouve actuellement Cetelem, filiale de BNP Paribas. Cette filiale active exclusivement dans le crédit aux ménages, c'est-à-dire le crédit à la consommation. Elle n'active pas du tout dans l'immobilier. Est-ce à dire qu'il ne lui reste plus qu'à plier bagage? Est-ce là la véritable intention poursuivie par le gouvernement, à savoir trouver un moyen de réduire progressivement l'action des banques étrangères en Algérie? L'Algérie a déjà tenté de réduire la marge de manoeuvre des sociétés étrangères d'importation et d'investissement mais le tollé soulevé par ces mesures ainsi que la pression de l'UE et des Etats-Unis d'Amérique ont fini par faire plier le gouvernement. Est-ce qu'il faudrait s'attendre à nouveau à une levée de boucliers de la part de la communauté bancaire après cette limitation de son activité? C'est une question à laquelle l'analyste financier Ghernaout n'a pu donner de réponse immédiate. Même le directeur général de Hsbc en Algérie, Rachid Sekak, nous a indiqué qu'il faudrait patienter avant d'obtenir sa réponse. En tout cas, les banques n'ont jamais envisagé un tel coup d'arrêt à l'une de leurs branches d'activité, même si elles ont toujours préféré être prudentes lorsqu'il s'agit de relations avec la clientèle. Les banques s'entouraient d'un maximum de précautions pour éviter les impayés. Mais ce risque existe pour tous les autres genres de crédit comme celui destiné à l'acquisition du logement. Mais est-ce que les banques pourraient compenser les pertes à subir après la disparition du crédit véhicule par d'autres produits? Il n'est pas sûr que les citoyens vont systématiquement se diriger vers l'achat de logements parce que le gouvernement veut orienter le flux des crédits vers ce secteur, car le choix du client est le premier critère dans l'acte d'achat. Du côté des concessionnaires, ils peuvent toujours se rabattre, selon Ghernaout, sur le crédit fournisseur. Les concessionnaires pourraient consentir des crédits à leurs futurs clients. Le problème est que ces mêmes sociétés sont obligées de se diriger vers leurs banques pour obtenir les fonds. Le loyer de l'argent sera également plus élevé pour le client final. Le montant des crédits à la consommation accordés en Algérie a atteint 100 milliards de dinars en 2008. Initialement, les Algériens n'avaient accès qu'au crédit immobilier accordé par la Cnep. Ensuite, il y a eu plus de 10 formules de crédit à la consommation (véhicule, micro-ordinateur, appareils électroménagers...). Il y a même le crédit location lancé par la Cnep récemment. Dans le domaine bancaire, l'Algérie a déjà pris des mesures radicales pour revenir en arrière quelques années plus tard comme c'est le cas pour l'article 104 de la loi sur la monnaie et le crédit, autorisant le financement des filiales des banques, supprimé en 2003 et rétabli en 2009. Serait-ce le cas pour l'article 75 de la loi de finances complémentaire qui pourrait être revu?