Imposer le crédit documentaire et supprimer la procuration sont des mesures indignes d'une économie moderne. Les chefs d'entreprise n'admettent pas que leur agenda leur soit dicté. Le Forum des chefs d'entreprise (FCE) est tellement sidéré par les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire de 2009 qu'il compte convoquer une assemblée générale extraordinaire afin d'en analyser la portée. Le président du FCE, Réda Hamiani, a effectivement souligné, dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, que la LFC n'a pas pour vocation de remettre en question l'organisation économique du pays, à plus forte raison lorsque ce texte n'est même pas discuté par les élus de la nation. Le FCE exprime son désaccord, vis-à-vis notamment de l'obligation faite aux chefs d'entreprise de se déplacer, eux-mêmes, pour effectuer certaines opérations au niveau des douanes. Les chefs d'entreprise n'admettent pas que leur agenda leur soit dicté par une autre institution alors qu'une partie du personnel est spécialement prévue pour effectuer ce genre d'opérations. «La suppression de la procuration en matière de formalités du commerce extérieur constitue une humiliation et un mépris à l'égard des chefs d'entreprise», est-il souligné. Après une telle mesure, l'entreprise se retrouve véritablement livrée à une tutelle externe «puisque l'organisation du travail lui échappe totalement», déplore le FCE. De fait, c'est le chef d'entreprise qui devient indispensable pour l'accomplissement de procédures en lieu et place du personnel habituellement en charge de ces opérations, argumente le FCE pour étayer le bien-fondé de ses appréhensions. Imposer le seul crédit documentaire pour les opérations du commerce extérieur est une autre mesure rejetée par les entrepreneurs. «Imposer comme seul mode de paiement des importations le crédit documentaire qui, en fait, ne profite qu'au seul fournisseur, pénalise lourdement l'entreprise qui doit immobiliser une importante trésorerie», souligne le patron du FCE. Cette mesure constitue un recul d'après l'analyse de cette organisation patronale. Elle rappelle que le recours au crédit documentaire était une exigence des fournisseurs lorsque l'Algérie était classée pays à haut risque. Il est estimé qu'à l'heure actuelle, le pays a renoué avec la stabilité et la confiance puisque les opérateurs économiques règlent en général le paiement au minimum 90 jours après réception de leurs marchandises et qu'il n'y a pas lieu, de ce fait, de revenir à la situation antérieure. La loi de finances complémentaire fait ainsi courir à l'entreprise le risque de fermer définitivement, mettant à la rue plusieurs travailleurs réduits au chômage. Il est, en effet, estimé inutile de contraindre la société à mobiliser des montants importants pendant des mois, ce qui ne fait qu'alourdir sa trésorerie, alors qu'elle auraient très bien pu continuer à fonctionner sur le modèle de paiement existant jusqu'à présent. Outre le spectre du chômage, le FCE agite aussi l'épouvantail de la pénurie de certains produits qui n'arriveraient pas à franchir les Douanes à cause de ces nouvelles mesures. Le surcoût et l'inflation sont d'autres menaces qui font craindre au FCE un risque de paralysie. En somme, ces mesure plongent «actuellement notre économie dans un marasme indescriptible lourd de conséquences», est-il souligné. Les patrons auraient préféré que le gouvernement instaure une période de transition, ce qui aurait permis le traitement des opérations en cours, notamment lorsqu'il s'agit des bateaux en rade ou en attente de documents bancaires. Si ces mesures techniques sont décriées avec force, le FCE va encore plus loin en montrant du doigt l'absence de débat de fond portant sur les choix fondamentaux qui «doivent déterminer la politique économique du pays». Or, est-il regretté, c'est l'autoritarisme et l'absence de concertation qui dictent les décisions économiques. Les mesures prises se trouvent tout aussi dénuées de crédibilité, poursuit le FCE dans son chapelet de critiques et de remontrances. Malgré cette position d'hostilité, le FCE estime qu'il est légitime que le gouvernement cherche à limiter la facture des importations évaluée à 40 milliards de dollars, l'année dernière.