La vieille tradition kabyle véhicule une formidable symbolique. En ce sens qu'elle constitue un signe de solidarité collective, la preuve d'une dynamique et d'une société en mouvement mais qui refuse le déracinement. Le village d'Aït Daoud, dans la commune d'El Flay dans la wilaya de Béjaïa, était hier en liesse, fier de renouer avec une de ses traditions ancestrales. Il s'agit d'une «twiza», «lexziaa» ou «timechret». La joie des retrouvailles avec toutes les familles du village, notamment émigrées, avec tous les fils du village partis ailleurs et enfin la joie de renouer, l'espace d'une journée, avec la solidarité qui caractérisait, dans le passé, tous les villages kabyles, était à son comble. Le mot solidarité a retrouvé, hier, à El Flay son véritable sens: rassembler tout le monde autour d'un même idéal, l'entraide, le soutien, la compassion, le partage, le pardon... Situé sur la rive droite de la vallée de la Soummam, à quelques kilomètres du chef- lieu de la daïra de Sidi Aïch, le village d'Aïd Daoud surplombe admirablement les basses plaines de la Soummam. Samedi 15 août, soit à quelques jours du mois sacré. Il fait un temps superbe. La montée vers le village est difficile par une route qui prend naissance à une bifurcation à partir du pont de Sidi Aïch, nouvellement construit. Cependant, les pittoresques tableaux des hauteurs de la rive droite jumelés aux sublimes monts d'en face, sur la rive gauche, nous font oublier la fatigue et la chaleur du jour. Hakim Chabour ne cessera pas de nous orienter mais surtout nous enrichir de nouvelles connaissances sur une région qu'on croyait si bien! connaître «Notre village compte actuellement environ 1400 âmes réparties sur 310 familles.» C'est d'ailleurs le nombre de parts retenues pour le partage des trois boeufs sacrifiés la veille dans une ambiance tout aussi heureuse que chaleureuse. L'on apprendra que «la population a toujours manifesté sa présence dans les moments difficiles qu'a traversés le village» et que «le village a fait l'objet d'un bombardement durant la guerre de Libération». Il compte d'ailleurs 15 chahids et de nombreux moudjahidine, dira notre interlocuteur. Pour revenir à l'initiative, l'idée a germé en réponse à un besoin de se retrouver entre villageois. Sur l'esplanade du village, tous les présents ont trouvé occupation, la préparation battait son plein. Les nécessiteux n'ont rien à payer. La vieille tradition kabyle véhicule une formidable symbolique. En ce sens qu'elle constitue un signe de solidarité collective, la preuve d'une dynamique et d'une société en mouvement mais qui refuse le déracinement vis-à-vis de ses traditions et coutumes. C'est justement dans cet esprit que l'initiative est fortement louable. Les jeunes ne sont, bien évidemment, pas en reste puisque leur implication effective est salutaire pour la réussite de la «twiza». Un jeune résidant à Alger déclarait, «être fier de prendre part à un tel événement pour la première fois. Le retour aux sources a cela de particulier: des familles entières font leur come-back à l'occasion», fait remarquer Hakim. L'appel des villageois d'Aït Daoud a trouvé un écho favorable également chez les autorités locales qui ont affiché leur présence. Une virée dans les profondeurs de ce village nous fait découvrir les règles du savoir-vivre kabyle, au milieu d'un silence dominant. La voix de notre guide, nous renvoie aux années fastes, quand ces ruelles étaient animées par le bruit des habitants, Les villageois d'Aït Daoud ont marqué des points car, au-delà de la viande bovine que se sont partagés les citoyens, il y avait un climat de fraternité, de plaisir de se retrouver, une symbiose qui rappelle les présents des jours d'antan. Hier, les citoyens se sont retrouvés pour assister à la finale du tournoi de football et la vente aux enchères de certaines parties des trois boeufs (la tête, les tripes, les pieds et la peau) et enfin le partage de la viande après une visite de recueillement au Carré des martyrs, les deux fontaines du village réhabilitées avec l'apport de l'APC et la mosquée construite récemment. Hier soir, les villageois s'apprêtaient à une autre cérémonie symbolisant la réussite des enfants du village. 10 lauréats du Bac seront récompensés parallèlement à un gala artistique animé par Amour Abdenour, Chikh Rachid, enfant de la commune d'El Flay et le groupe Akfadou, Chikh El Mahdi. Bref une soirée en or que l'on voudrait vivre et revivre.