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La route les a tués
KATCHOU, KAMEL MESSAOUDI, DAHMANE EL HARRACHI ET LES AUTRES
Publié dans L'Expression le 19 - 08 - 2009

De coupe-gorge, les routes se sont transformées en «brise-rêves».
Sur les monts des Aurès, le chant des flûtes n'est plus à l'enchantement. Les mains ont abandonné les bendirs. La voix qui les faisait vibrer s'est brutalement tue. Katchou, de son vrai nom Ali Nasri, a été surpris par la main froide de la silencieuse. Parti à la rencontre de sa muse «Lalla Nouara», Katchou prenait la route reliant Batna à Aïn Touta. Sur le chemin, la hideuse l'attendait sans crier gare. L'espace d'un instant cruel, le rêve qui a duré 46 ans s'est éteint. Arrivé sur les lieux, Agoujil n'en croit pas ses yeux. Remis de ses émotions, l'Orphelin s'approche de l'artiste.
De sa main frêle, il caresse le visage du chanteur qui venait de tirer sa révérence. «Tu es parti sans m'avertir», dit Agoujil en sanglotant. Le sanglot appelle le souvenir. L'Orphelin replonge dans son enfance. En 1980, Katchou effectue ses premiers pas dans la chanson. Et le premier titre qu'il entonna fut...Agoujil!. Alors que Agoujil se remémorait les doux moments passés avec Katchou, ce dernier est évacué à l'hôpital de Aïn Touta où il rendit l'âme. Sur le chemin de la solitude, Agoujil entreprend un voyage à travers le temps.
Le voyage se fait de nuit. Arrivé à Châteauneuf, sur les hauteurs d'Alger, l'orphelin aperçoit une lumière. C'est la flamme d'une bougie. «Chemaâ» de Kamel Messaoudi refuse de succomber à l'oubli. Nous sommes le 9 décembre 1998, Kamel Messaoudi est invité à l'émission «Qahoua ou latay» (Café et thé). Accompagné de sa guitare noire, Kamel Messaoudi chante un titre inédit: «Ya hasra alik ya denya». La douceur de la mélodie et la profondeur du texte ne laissent pas El hadj Mohamed Abrouk, ancien gardien du CRB des Lalmas and Co, indifférent. Idem pour Sid-Ali Driss, l'animateur du programme. Et pour cause, la chanson incite à la méditation sur la condition de l'homme et le sens profond de son existence. Durant l'émission, Kamel Messaoudi fait amende de la parole de Dieu.
Le lendemain, le rossignol est fauché dans un accident de la circulation. Sur ce souvenir, la flamme a vacillé. Chemaâ est soulevée par une main qui l'emmène sur les monts du Djurjura. C'est celle de Zohra Ouguemmoune, la chanteuse au coeur gros par la souffrance. De sa voix douce, Zohra n'a eu de cesse de se demander «Ayen Ayen?» (Pourquoi? Pourquoi?). A travers ses chansons, Zohra cherche remède à ses blessures. Des blessures traduisant la difficulté de la condition féminine dans une société à forte tradition.
Ultime consolation, Zohra est emportée par la faucheuse, en 1995, sur l'une des routes tristes et glaciales de Paris. Au coeur du Djurdjura, le voyageur fit la rencontre de Loundja.
Celle-là même qui a fait chavirer le coeur de Abdelkader Maksa. Dans les bras de Lalla Khedidja, Lounja demeure inconsolable. Sous un filet de larmes timides, la bien-aimée de Meksa fredonne «Assif Assif, igue w aar bettu n'bessif» (Rivière, dure est la séparation imposée). Lounja se souvient encore de cette journée cruelle du 30 octobre 1988.
A cette date, le chanteur eut un accident de la circulation à Créteil, en banlieue parisienne. A peine 25 jours après la révolte populaire du 5 octobre, Abdelkader Maksa trouve la mort dans des conditions où planent beaucoup de zones d'ombre. Les pleurs de Lounja se muent en des fils argentés. De l'argent, les mains de Aheddad n'Ath Yenni (Le bijoutier d'Ath Yenni) cisèle des bijoux. Les motifs du démiurge sont glorifiés par Samy El Djazaïri. De son vrai nom Ali Kanouni, le rossignol de la chanson algérienne est originaire d'Ath Bou Yahia, daïra de Beni Douala dans la wilaya de Tizi Ouzou. Des années durant, la voix chaude de Samy El Djazaïri a porté aux nues les aspirations, les joies et les peines des petites gens. Hélas! en avril 1987, la voix du rossignol fut réduite au silence. Encore une fois, la route a tué. Dans un chant du cygne, Samy El Djazaïri avait loué la beauté de la femme algérienne. La chanson s'intitulait Ya bnat El Djazaïr (ô filles d'Algérie).
Cela s'est passé à la Télévision algérienne, la veille de sa disparition.
A l'animatrice de l'émission en question, le chanteur avait lancé: «Nous avons pris de l'âge.» Le sens profond de ses propos allait apparaître le lendemain sous la forme la plus cruelle: la mort.
Sur ce souvenir douloureux, l'orphelin retourne à Alger. A peine arrivé à El Harrach (ex-Maison Carrée), il fut attiré par une voix rauque. «Ya Rayeh win msafer?» (Voyageur où pars-tu?). Agoujil se sent interpellé. Il se redresse et, ô surprise, son regard se pose sur le grand Dahmane El Harrachi. Le maître l'accueille, sourire en coin. Puis scrutant l'horizon, le chantre du chaâbi se souvient: «J'étais à l'apogée de la production artistique quand j'ai eu un accident de la route mortel.» A ces propos, un frisson parcourt le corps du voyageur. Le maître renchérit: «Cela s'est produit un certain 31 août 1980.» Quelques jours auparavant, Dahmane El Harrachi avait produit un film intitulé «Sahha Dahmane» (Salut Dahmane!). Le film racontait le retour d'un artiste émigré au pays natal, alors que l'artiste a réellement quitté ce monde pour l'éternité. Dahmane El Harrachi pousse un soupir et prend congé du voyageur.
Dans sa main, le maître tenait une fleur de jasmin. Le jasmin rappelle le nom d'une actrice de cinéma. Il y a 30 ans, Yasmina avait été arrachée à la vie sur la route reliant Arzew à Oran. En sa compagnie, le réalisateur Mohamed Cherif Ayad échappa, miraculeusement, à la mort.
Depuis les années 60, Yasmina avait cette capacité extraordinaire à interpréter des rôles allant du comique au tragique. Cette fine fleur du cinéma algérien avait joué dans plusieurs films dont La nuit a peur du soleil de Mustapha Badie et Les enfants de Novembre de Moussa Haddad. Yasmina, souvenons-nous, c'est celle qui a joué avec Mohamed Hilmi dans des séries qui ont égayé la Télévision algérienne. A son tour, Yasmina part rejoindre les autres étoiles au Panthéon des arts. Le voyageur reste seul.
Le spectacle de toutes ces disparitions cruelles le jette en proie à un sentiment étrange. Pour la première fois, le voyageur prend conscience de sa condition d'orphelin. Agoujil se sent orphelin de tous ces faiseurs de rêves qui ont bercé son imagination des décennies durant. Echappant aux «loups qui habitent la nuit», les faiseurs de rêves font face au terrorisme routier. De coupe-gorge, la route s'est transformée en «brise-rêves». Et un peuple sevré de ses rêves est un peuple condamné à l'aliénation, avec en prime, le suicide à petit feu avec ses mirages, ses rêves et les différentes formes de fuite en avant...


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