Fort d'un pareil triomphe diplomatique, le Guide libyen ne pouvait espérer mieux à une semaine du 40e anniversaire de son arrivée au pouvoir. Quand par une belle nuit d'été 1969, Mouamar El Gueddafi avait décidé de déposer le roi Idriss 1er, personne n'avait prédit que ce jeune capitaine de 27 ans allait durer, sans chavirer, autant d'années au pouvoir en Libye. Non seulement il a duré mais il vient de réaliser un tour de force qu'aucun chef d'Etat arabe n'a pu accomplir ces dix dernières années. Il a fait capituler la Suisse, il a dompté le gouvernement écossais et a arraché l'essentiel à l'Italie, l'Italie de Berlusconi. Fort d'un pareil triomphe diplomatique, El Gueddafi ne peut pas espérer mieux à une semaine du 40e anniversaire de son arrivée au pouvoir. «Nous présentons nos excuses pour ce qui est arrivé à Hannibal El-Gueddafi et les deux parties sont convenues de former un comité pour discuter de cette question», a déclaré le président de la Confédération helvétique, Hanz-Rudolph Merz, alors qu'il était en visite à Tripoli, jeudi 20 août. Des excuses qui ont fait réagir la presse avec déchaînement: la Suisse à genoux devant El-Gueddafi; la Suisse capitule; reddition; humiliation. Tels sont les commentaires quasi unanimes de la presse romande. La Libye attendait ces excuses pour l'arrestation, en juillet 2008 à Genève, d'un des fils du colonel El-Gueddafi. Hannibal El Gueddafi et sa femme Aline ont été interpellés dans un palace genevois pour mauvais traitements présumés envers deux domestiques. Hannibal était ressorti de son hôtel menottes aux poignets tandis que son épouse, enceinte, était transférée dans une maternité. L'arrestation a fait réagir violemment les autorités libyennes qui ont considéré l'action de la police helvétique comme une humiliation. Les mesures de rétorsion s'en sont alors suivies: la Libye retire ses avoirs dans des établissements financiers suisses, suspend ses fournitures de pétrole à la Confédération helvétique et retire plus de cinq milliards d'actifs qui étaient déposés dans des banques helvétiques. La capitulation de la Suisse a coïncidé avec un autre succès diplomatique que vient de remporter le Guide libyen. Il a réussi à faire libérer Abdelbaset Ali Al-Megrahi, le Libyen condamné à la prison à perpétuité pour l'attentat de Lockerbie en 1988. Considéré officiellement par la Libye comme un «otage politique» entre les mains de l'Occident, Al-Megrahi a été accueilli triomphalement et en héros à l'aéroport militaire de Maatiga à Tripoli. Le gouvernement écossais a justifié cette libération par des raisons médicales puisque le détenu souffre d'un cancer de la prostate en phase terminale. Un argument qui n'a convaincu ni Washington ni Londres qui n'ont pas ménagé le gouvernement écossais par leurs critiques. Le leader libyen a ouvert l'appétit des succès diplomatiques en soldant d'abord ses comptes avec l'Italie. Selon un accord historique signé il y a exactement une année, par Silvio Berlusconi et Mouamar El Gueddafi, l'Italie va verser à la partie libyenne cinq milliards de dollars sur les vingt-cinq prochaines années. Une forme de dédommagement pour la période coloniale, qui dura de 1911 à 1942. «L'accord portera sur un montant de 200 millions de dollars par an durant les 25 prochaines années sous forme d'investissements dans des projets d'infrastructures en Libye», a indiqué le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi. Longtemps considéré comme un chef d'Etat motivé uniquement par le désir d'asseoir son leadership sur l'Afrique et le monde arabe, le colonel El Gueddafi intrigue constamment son monde, à commencer par les analystes politiques jusqu'aux spécialistes de la mode. Terne et ennuyeux au départ, El Gueddafi a fini par imposer son style qui ne cesse de prendre de l'ampleur au fil des ans. Le plus ancien chef d'Etat en Afrique et du monde arabe a souvent apporté sa propre couleur et son propre panache aux différents sommets et conférences internationaux. Le leader libyen, qui a fêté le 16 juin dernier ses 67 ans, est le personnage le plus excentrique de ces dernières années, un génie vestimentaire avec un féroce appétit de vivre.