La tournure prise par les événements ridiculise le royaume alaouite. Depuis quelques semaines, certains journaux marocains ont redoublé de férocité dans leurs attaques à l'adresse de l'Algérie. Maroc-Hebdo, dans sa dernière livraison, s'en prend en Une au Président Bouteflika en termes fort discourtois. Il parle, en effet, de «manigances» de notre chef d'Etat à propos de la réussite éclatante du passage de l'OUA vers l'UA grâce aux bons hospices des diplomaties algérienne et sud-africaine. Une UA dont la puissance future se mesurera à l'aune des richesses du continent noir et de la nouvelle organisation des Etats africains. Ces attaques, est-il nécessaire de le souligner, cachent mal ce besoin de noyer les graves troubles qui touchent le royaume chérifien de plein fouet. Outre les élections qui s'annoncent sous les pires auspices et la dérive sociale qui menace le royaume d'implosion, le retour en force des islamistes violents inquiète au plus haut point la communauté internationale. Le même hebdomadaire, dans sa même édition, titre en Une, en donnant la parole à l'expert Abdelkrim Alkhatib, «Attention, les islamistes débarquent». Il faut donc croire, aussi, que la sordide histoire de l'îlot Persil entre aussi dans les calculs vaguement démentiels du fils de Hassan II. La tournure qu'ont prise les événements, ridiculise tout simplement le Maroc et le replace dans les dimensions, somme toute assez réduites, qui n'auraient jamais dû cesser d'être les siennes. Il en est réduit, effarouché et humilié qu'il est, à chercher des appuis là où il n'y en a pas et à chercher l'appui de la légalité internationale alors que la veille encore, il foulait aux pieds ce même principe, lui préférant celui du fait accompli. Les journaux marocains, connus pour être proches des thèses royales, s'accrochent désespérément à des messages de soutien insignifiants. Et pour cause! Le Maroc a créé une zone de conflit dans une région où la paix règne depuis des lustres et où les Etats des rives nord et sud de la Méditerranée tentent de faire de ce bassin l'endroit le plus sécurisé du monde. Cette sortie guerrière ne pouvait qu'être unanimement condamnée. Cela, a fortiori que le Maroc, depuis l'avènement de Hassan II, a toujours eu des visées expansionnistes sur les propriétés des voisins, à commencer par la Mauritanie en 1960 jusqu'à l'îlot Persil aujourd'hui, en passant par le Sahara occidental et Tindouf. L'Algérie, pays voisin du Maroc, en sort grandie et ragaillardie. La position, développée la veille par Abdelkader Messahel, a clairement signifié le rejet par notre pays de la politique du fait accompli, mais aussi la nécessité de recourir systématiquement à la concertation et au droit international pour résoudre les conflits, comme cela aurait dû être le cas pour le Sahara occidental depuis force années. Comme écrit par nous il y a de cela deux jours, la fausse manoeuvre marocaine l'affaiblit grandement dans ses velléités colonialistes puisqu'il ne peut demander au Conseil de sécurité d'intervenir pour faire respecter la légalité internationale à propos de l'îlot Persil sans accepter d'en faire autant en ce qui le concerne, c'est-à-dire accepter le règlement pacifique, démocratique et légal de la cause sahraouie via un référendum sans taches. La position algérienne, la plus rationnelle d'entre toutes, a mis de côté les affinités et autres considérations subjectives pour ne s'intéresser qu'aux questions de droit et de droiture diplomatique. Un point de plus pour notre pays, revenu par la grande porte sur le devant de la scène internationale. Dans le nouveau découpage des rôles et des leaderships, le Maroc est définitivement écarté. En revanche, l'Algérie reprendra inéluctablement le rôle qui n'aurait jamais dû cesser d'être le sien. Notre pays, grand leader des Etats maghrébins et africains, formera l'UMA avec ou sans le Maroc comme il a aidé à faire l'UA sans lui. Mohammed VI, sans doute très mal conseillé, a tout intérêt à remettre les pieds sur terre et à réintégrer le giron de sa véritable famille maghrébine, pacifiste et résolument tournée vers un avenir prospère pour tous, celui du Maghreb des peuples.