Paris appuie sans réserve les thèses marocaines. «La France soutient et soutiendra le Maroc sur le Sahara occidental». C'est ce que vient d'affirmer publiquement le président français, Jacques Chirac, lors de sa rencontre avec la presse à la faveur de la première journée de sa visite d'Etat au royaume chérifien. Sans tenir compte de ce que cette prise de position officielle pourrait avoir comme répercussions sur la région, le chef de l'Etat français n'a en fait révélé que ce que tout le monde savait depuis longtemps : l'appui séculaire de l'Elysée au royaume chérifien en ce qui concerne ce dossier brûlant de la décolonisation du territoire sahraoui. D'ailleurs, au cours de cette conférence de presse, M.Chirac, n'a pas hésité, comme pour enfoncer le clou, à rappeler que son pays a déjà «soutenu le Maroc» au Conseil de sécurité de l'ONU lors de l'adoption en juillet dernier de la fameuse résolution 1495 sur le Sahara occidental. Il a aussi clamé qu'«à la prochaine réunion du Conseil de sécurité (sur cette question), la France soutiendra encore la position du Maroc», en affirmant, au passage, l'avoir déjà dit «très franchement» au président algérien Abdelaziz Bouteflika avec lequel il s'en était entretenu «à plusieurs reprises», notamment lors de leur dernière rencontre à Paris au début de ce mois. Néanmoins, Jacques Chirac a tenu à rassurer son monde et à anticiper sur les éventuels mécontentements d'Alger, en réitérant que la France a, avec l'Algérie, ce qu'il a appelé «des relations extrêmement fortes, chaleureuses et amicales». En fait, les ambitions de la politique maghrébines de la France sont à la limite du parrainage avec plus ou moins de réussite des intérêts contradictoires, voire antagoniques des principaux acteurs de la région. Une politique qui, en sortant ainsi ouvertement du cadre tracé par l'ONU pour le règlement de cette question sahraoui pourrait se traduire par un fiasco pour tout le monde. Cela d'autant que les pays de la région se débattent tous dans des situations catastrophiques sur tous les plans, politique, économique et social. Commentant sur place (au Maroc) ce voyage de son Président dans le royaume chérifien, la presse française ne s'est pas trompée en estimant de prime abord que «c'est un pays désorienté qui a accueilli» le chef de l'Etat français pour sa première visite d'Etat depuis que Mohamed VI est monté sur le trône alaouite, en juillet 1999. Après avoir rappelé les attentats dits terroristes du 16 mai dernier à Casablanca qui ont fait 45 morts et des dizaines de blessés, énuméré leurs séquelles sur l'opinion marocaine, disséqué leurs causes et leurs origines, les faiseurs d'opinion français ont rendu leur verdict : «Le Maroc est un pays qui doute et l'affaiblissement de la monarchie est patent.» Tout à l'opposé, le président français est salué par la presse du royaume comme un «allié du Maroc» et son périple à Fès, à Tanger et à Rabat est vu comme le signe «de l'amitié privilégiée» entre les deux pays. Celle-ci s'articule, selon ces milieux, autour des axes désormais bien connus et qui sont la lutte contre le terrorisme dit islamiste et ses menaces, l'encouragement aux réformes économiques à travers la modernisation libérale et l'intégration des pays de la région dans les stratégies européennes de la sécurité en Méditerranée occidentale. Ainsi, ce n'est pas par hasard que ce qui est désormais appelé le dialogue entre les deux rives de cette mer et le rapprochement du Maroc avec l'Union européenne étaient au centre de la deuxième journée du voyage chiraquien au royaume chérifien. L'étape s'appelle Tanger où le géant français de la construction Bouygues a fait de gros investissements. En tout cas, sept mois après avoir effectué un voyage similaire en Algérie et à quelques semaines d'une visite identique en Tunisie, la France de Chirac reste fidèle à elle-même. Elle couve ses ex-colonies d'un même discours avec, de temps à autre, des préférences pour l'un ou l'autre de ses protégés. C'est pragmatique mais pas souvent crédible.