L'Agence nationale d'archéologie risque la ruine. Le sort de l'Agence nationale d'archéologie, créée en 1989, et placée sous la tutelle du ministère de la Communication et de la Culture, semble, aujourd'hui, bien incertain. Chargée, dans le cadre du plan du développement culturel, de l'ensemble des actions d'inventaire, d'étude, de conservation, de restauration et de mise en valeur du patrimoine historique national, ces missions de l'ANA sont touchées par des restrictions dont les causes sont à chercher dans les textes qui définissent et régissent le fonctionnement de l'agence. Dans un changement de moeurs marqué par le désengagement de plus en plus prononcé de l'Etat, elle traîne aujourd'hui un statut éculé qui menace sa survie. Dans la wilaya de Batna, à titre d'exemple, et pour s'être opposée à la construction d'une bâtisse sur un terrain classé unanimement protégé, l'agence s'est trouvée dans l'obligation de s'acquitter de l'achat de la parcelle, aucune autre partie ne se sentant responsable de la sauvegarde du patrimoine. Outre le fait que l'Agence ne peut en aucun cas, se porter acquéreur, la somme déboursée l'a été aux dépens de son budget de fonctionnement, qui, du reste, ne satisfait plus à ses missions. Le malaise est, de ce fait, appelé à s'accentuer si les autorités locales continuent de fuir les responsabilités qui leur incombent, surtout si l'on sait que cette affaire pourrait constituer une jurisprudence préjudiciable à l'Agence de protection du patrimoine. Dans une autre optique, on peut se demander à quelle place pourrait prétendre cette institution, censée être le gardien de l'identité historique et civilisationnelle du pays, dans un paysage économique où les plans de développement n'ont plus cours, où seul le caractère commercial peut assurer une activité pérenne? Nous apprenons que l'agence a proposé à la tutelle un projet de restructuration qui doit consacrer des directions régionales, outre la direction centrale sise à Dar Aziza, à Alger. Cependant, le personnel ne se fait pas trop d'illusion quant à l'issue de cette requête. «Le ministère des Finances refusera certainement une telle restructuration, car elle appelle un nombre plus important de hauts cadres qu'il faudra rétribuer en conséquence», estime un employé de l'agence. Des bruits courent aussi sur une éventuelle reconversion de l'agence en Epic, Etablissement public à caractère industriel et commercial. «L'agence dépendra alors d'entrées financières, qui, au vu de l'état des infrastructures existantes et du faible engouement du public potentiel, ne pourraient être assurées. L'agence d'archéologie transformée en Epic pourrait ne pas survivre; au mieux, elle se consacrera à l'exploitation pour générer du profit et délaissera les actions de recherche et de proposition», commente un attaché de la conservation et de la valorisation du patrimoine. La section syndicale de l'agence tente, de son côté, dans un geste désespéré, d'attirer l'attention de la tutelle sur l'urgence d'une revalorisation de la profession. La ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi a été destinataire d'un projet d'amendements portant rectifications sur le statut particulier des travailleurs de la culture et plus particulièrement sur les dispositions générales d'intégration et d'avancement. Les travailleurs de la culture sont, en vertu des textes en vigueur, souvent cantonnés dans leurs postes avec de minces espoirs de promotions ne tenant pas compte des années d'expériences et d'exercice qu'ils accumulent. Le syndicat estime, par ailleurs, que, contrairement aux dispositions régulatrices de la profession de chercheur, le personnel de l'agence, qui n'est pas régi par le statut de chercheur, est souvent relégué par des dépositions discriminatoires. Ce cumul de distorsions diverses augure un avenir bien difficile à une institution qui était, jusque-là, le garant du patrimoine national. Une prise de conscience des pertes tant sur le plan moral que matériel que causerait la mise à mal de l'agence, devrait toutefois impulser une volonté intelligente pour sa sauvegarde et sa revalorisation.