L'Aïd et la rentrée scolaire ont fini par avoir raison du portefeuille des chefs de famille. C'est cher. A une semaine de l'Aïd, c'est un commentaire qui revient régulièrement dans la bouche des parents à qui il est donné de constater de visu la montée vertigineuse des prix. Il n'est pas étonnant d'entendre ce jugement car ils ont moult difficultés à trouver chaussures aux pieds de leur progéniture, au propre comme au figuré. Et pour cause. Les prix des habits et des chaussures ont battu tous les records cette année. Que ce soit à Kouba, Ben Aknoun, Bouzaréah ou Mohamed-Belouizdad, les mêmes signes d'angoisse se lisent sur les visages. Il suffit de se renseigner sur les prix pour se rendre compte qu'il n'est pas donné à toutes les bourses de se plier aux exigences des enfants toujours à la recherche de modèles plus attrayants les uns que les autres. Pour avoir une idée des prix, il suffit de souligner qu'il est quasiment impossible de débourser moins de 1000 dinars pour se procurer un pantalon ou une chemise pour un enfant de moins de 10 ans. Dans certains quartiers de la capitale, il faut souvent compter 1300 DA pour un pantalon et 1100 DA pour une chemise ou un pull. Et ce n'est pas tout. Il faut additionner à ces dépenses, le prix de la veste et celui des chaussures. Pour ces derniers articles, les prix sont encore plus élevés. Certains magasins ne les proposent pas à moins de 2400 dinars. Il n'y a aucun modèle de ces articles qui échappe à la règle. Cette dernière s'applique aussi pour tous les âges. On est déjà à 5000 dinars pour habiller un garçon ou une fille de la tête aux pieds. Une fois que le visiteur a entendu ces chiffres, il n'y a qu'un choix qui se présente à lui: il tourne les talons: «Viens mon fils, on va chercher ailleurs. Ici, c'est trop cher», dira-t-il. Le problème est que c'est partout pareil. Pourquoi? L'explication des vendeurs est simple. Leur argument tient en deux mots: c'est importé. Dans ces conditions, que faire? Certains pensent avoir trouvé la parade. Ils commencent par bouder les boutiques réputées chères. En ces derniers jours de Ramadhan, les vendeurs à la sauvette ont squatté les trottoirs de certains quartiers à l'instar de celui de Mohamed-Belouizdad. Ils sont censés proposer des prix moins élevés. C'est effectivement le cas. Mais ce n'est pas tout. Les articles sont de très mauvaise qualité. Mais à y regarder de plus près, certains chefs de famille préfèrent sacrifier la qualité pour satisfaire leurs enfants en consentant à dépenser le moins possible. Même sans cabine d'essayage, les parents pensent avoir trouvé sur les trottoirs ce que les magasins leur ont interdit de fait. Il n'est alors pas rare de tomber sur des artères complètement bouchées où il est impossible de circuler. La marchandise est déballée dans des présentoirs de fortune faits à base de barres de fer et de planches. Certains ont même trouvé le moyen d'accrocher leurs marchandises sur les murs pour qu'elle soient visibles. Les parents tentent de vérifier, dans une joyeuse pagaille, si la taille choisie correspond à celle de leurs enfants. Pour faire de la publicité et attirer les clients, les vendeurs clament haut et fort que même les zaoualis peuvent trouver leur compte chez eux. Et certains couples sont effectivement heureux que ce choix leur soit offert. D'ailleurs, hormis les jeunes couples, on constate que plusieurs parents sont accompagnés de nombreux enfants en bas âge à qui il faut dénicher un pull ou une robe pour paraître dans une tenue agréable aujourd'hui, premier jour de l'école. Alors forcément, il faut être muni d'un bon paquet de dinars si l'on veut répondre à ces exigences. Sans oublier que ce sera le même rituel dans quelques jours puisqu'il faut vêtir à nouveau tout ce beau monde pour être dans ses plus beaux atours le jour de l'Aïd. Pendant le dernier week-end avant la rentrée scolaire, les parents qui pensaient réaliser une affaire ont été déçus lorsqu'il s'est agi d'ouvrir le portefeuille. Les foules nombreuses n'ont pas trouvé mieux que de faire du lèche-vitrines en espérant des jours meilleurs. Car même la conjoncture n'a pas été du côté des salariés. Le salaire du mois dernier est déjà consommé en grande partie à cause des grandes dépenses générées par le mois de Ramadhan et celui de ce mois n'est pas encore versé dans les comptes des travailleurs car on est à peine à la mi-septembre. Dans ce cas, il fallait beaucoup d'ingéniosité pour joindre les deux bouts. Cela n'a été possible que grâce à d'énormes sacrifices, murmurent la plupart des clients dans les allées des magasins. Pourtant, il n'y a pas que les enfants à habiller. Maris et femmes ont aussi le droit de renouveler leur garde-robes. Mais ça c'est une autre histoire...