Les autorités marocaines ne sont pas à court d'invention d'arguments lorsqu'il s'agit d'escamoter la tenue d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental. L'Algérie doit permettre au HCR, le Haut-Commissariat aux réfugiés, de procéder au recensement des personnes retenues dans les camps de Tindouf, a déclaré le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, vendredi dernier à Rabat. «Nous avons examiné la situation de nos frères retenus dans les camps de Tindouf sur le territoire algérien, et j'ai de nouveau souligné l'importance qu'accorde le Royaume, avant tout, à la réalisation par le HCR d'un enregistrement et un recensement des populations des camps de Tindouf», a indiqué lors d'une conférence de presse, Taïeb Fassi Fihri, à l'occasion de la visite effectuée au Maroc par Antonio Guterres, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. «Cette opération permettra de procéder à l'interview individuelle des populations de Tindouf pour qu'elles expriment leur position soit d'y rester, soit de regagner le Maroc dans le cadre du rapatriement librement consenti, ou de s'installer dans un autre endroit à l'étranger», a-t-il ajouté. Des propos qui auraient pu s'apparenter à une plaisanterie de mauvais goût s'ils n'émanaient pas de la bouche d'un officiel. A moins que cela soit un nouveau plan que compte proposer le souverain alaouite afin de mettre fin au conflit qui l'oppose au Front Polisario. Le but de cette nouvelle dérive verbale de la part de hauts responsables marocains est cependant loin d'être innocent. Un nouveau lexique est apparu ces derniers temps dans leurs discours. «Pseudo Rasd», pour sans doute tenter d'enlever toute légitimité aux dirigeants du Front Polisario. «Séquestrés de Tindouf» pour qualifier les réfugiés sahraouis et esquiver la question de l'atteinte aux droits de l'homme dans les territoires occupés, mais surtout éviter toute référence à la tenue d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental qui permettrait au peuple sahraoui et aux réfugiés de Tindouf de s'exprimer librement quant à leur destin. Mohammed VI serait-il devenu soudainement si généreux au point de leur proposer «un autre endroit à l'étranger» à défaut de leur proposer leur indépendance? Ce qui ferait d'eux des femmes et des hommes libres mais pas d'éternels déplacés, des exilés, privés à tout jamais de patrie. Et les révoltés de Smara et d'El Ayoun, les prisonniers politiques de la «Cacel Negra» qui croupissent dans les geôles marocaines ne sont-ils pas des «séquestrés»? Ceux-là sont sous bonne garde et réduits au silence. Ce sont les populations sahraouies qui ont trouvé refuge à Tindouf qu'il faut essayer à tout prix de museler. Tous les coups sont permis. Il ne se passe pas une seule visite officielle, pas la moindre occasion même la plus fantaisiste, la plus farfelue, que le pouvoir marocain n'ait saisi pour jeter le discrédit sur les autorités algériennes. Au mois de mars 2009, le quotidien Aujourd'hui le Maroc, citant une organisation non gouvernementale fantoche (l'International Democratic Center) basée en Europe et dont le siège se trouverait à Budapest en Hongrie, avait écrit dans ses colonnes: «Soutenus et couverts par l'armée algérienne, avides de pouvoir et de richesses, les dirigeants du Polisario se sont, depuis 1976, spécialisés dans le vol de l'aide humanitaire et des dons alimentaires destinés aux populations séquestrées de Tindouf.» Quelques heures après s'ensuivit un communiqué relayé par le même média qui annonçait le soutien du gouvernement hongrois au plan de large autonomie proposé par le Royaume alaouite dans le cadre du conflit du Sahara occidental. C'était cousu de fil blanc, mais peu importe. Les services marocains sont passés maîtres dans l'art de la propagande. Sauf que quand ça rate, cela tourne en ridicule, comme ce fut tout récemment le cas à Tripoli à l'occasion de la célébration du 40e anniversaire de la Révolution libyenne. Lors de sa visite dans les camps de réfugiés, il y a une dizaine de jours, Antonio Guterres n'a à aucun moment fait cas de personnes séquestrées, encore moins de cas d'atteinte à leur liberté. Bien au contraire, il a appelé à une solidarité internationale plus active en faveur des réfugiés sahraouis. «Nous devons faire mieux pour les réfugiés sahraouis, dans l'attente d'une solution politique au Sahara occidental», a souligné le haut responsable onusien. Lors de l'entretien qu'il a eu avec le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, il a écarté diplomatiquement et d'un revers de la main la nouvelle lubie du gouvernement du Royaume alaouite. «La pratique habituelle du recensement réalisé dans le cadre des opérations humanitaires n'a rien à voir avec les considérations politiques, il s'agit uniquement d'un instrument pour l'évaluation de l'aide humanitaire», a tenu à préciser le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés.