Le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance est aujourd'hui menacé, plus qu'en 2000-2001. C'est ce qui ressort de la lecture du dernier rapport du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, sur le Sahara occidental, transmis récemment au Conseil de sécurité. Dans ses recommandations, le SG fait le même “lapsus” à deux reprises (§ 73 et 79), en effaçant d'un trait la condition que les négociations maroco-sahraouies garantissent le droit du peuple sahraoui, à l'autodétermination, à travers un référendum, en conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité et des autres structures, particulièrement la IVe Commission de décolonisation. Par ailleurs, le document daté du 6 avril dernier use, au moins 12 fois, de l'expression “territoire”, alors que celui-ci est connu comme territoire(s) occupé(s) ou territoire(s) libéré(s) du Sahara occidental. De plus, dans le langage onusien, il est présenté sous le nom de Sahara occidental, figurant sur la liste des “territoires non autonomes” de l'ONU. L'autre nouveauté se rapporte à la “dimension humaine” du conflit (§ 75). Alors que tout le monde s'attendait, après adoption il y a un an de la résolution 1871, à la prise en charge de la dimension humaine dans son intégralité, y compris la question des violations des droits humains au Sahara occidental, voilà que Ban Ki-moon la réduit à sa plus simple expression, en citant “le sort des réfugiés” sahraouis. Le SG de l'ONU essaie-t-il d'enterrer définitivement le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU (de 2006), qui accable l'occupant marocain ? Cherche-t-il aussi à conforter Rabat et Paris, catégoriquement opposés à la publication dudit rapport et à l'extension du mandat de la Minurso aux questions des droits de l'Homme ? Le dossier de la dernière colonie en Afrique a souffert de l'abandon, voire de la trahison, de l'ex-puissance coloniale, l'Espagne, du parti pris de hauts responsables de l'ONU, dont des secrétaires généraux, et des reniements de l'occupant. Aussi, chaque mot vaut son pesant d'or, surtout lorsqu'il émane d'un secrétaire général de l'ONU. Que visent toutes ces omissions ? Or, le rapport de Ban Ki-moon se distingue par une façon tendancieuse de rapporter les évènements, entretenant des amalgames sur les “mesures” prises par chacune des parties en conflit, ignorant tous les appels et écrits reçus, ainsi que les informations des médias internationaux, relatifs aux violations commises par le Maroc en matière de droits humains, ciblant les Sahraouis. À l'exception des “plaintes” émises par le Front Polisario, mais sans préciser que celles-ci se basent sur des faits concrets, appuyés à l'échelle internationale. Il tente également d'éloigner l'ONU de ses responsabilités dans le processus de décolonisation et dans la protection d'un peuple “colonisé et colonial”. En outre, l'usage d'une terminologie, jusque-là empruntée par le Maroc, les milieux français et leurs médias respectifs, est surprenant, d'autant que cette phraséologie a été utilisée notamment pour limiter l'impact du Polisario et des militants sahraouis des droits humains, charger ou neutraliser l'Algérie et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). Le SG semble, en effet, faire écho à la stratégie franco-marocaine qui, à travers la médiatisation “des gestes positifs” ou du point de vue marocain et l'occultation du black-out total imposé sur les territoires sahraouis sous occupation et les atteintes aux droits de l'Homme, participent au renforcement du programme d'imposition de la souveraineté marocaine sur l'ex-colonie espagnole, selon des spécialistes. Dans ce cadre, on notera que Ban Ki-moon n'a même pas jugé utile d'expliquer que le Polisario a coopéré avec l'ONU et accepté d'inclure la proposition de Rabat (d'avril 2007) parmi les autres options existantes, alors que le Maroc s'en est tenu à sa seule et unique offre (plan d'autonomie), en ne manifestant aucun intérêt à la proposition sahraouie (d'avril 2007), pourtant conforme à la légalité internationale. Tout laisse croire que le SG de l'ONU a adopté une démarche qui vise à la fois à vider la question sahraouie de son caractère colonial, et à rendre crédibles les tentatives marocaines de faire reconnaître ce conflit comme un problème de sécession. Alors qu'il sait, mieux que quiconque, que le Sahara occidental n'a jamais relevé de la souveraineté du Maroc. Ban Ki-moon va jusqu'à reprendre une idée développée par Rabat, qui confond les réfugiés sahraouis avec les “séquestrés”, en demandant de réfléchir “sérieusement à l'idée de procéder à un recensement des réfugiés” et de mettre en œuvre un programme d'“entretiens individuels” (§ 75). On se demande même à quoi il fait référence en parlant de “représentants des camps de Tindouf”. Finalement, le rapport du SG annonce-t-il la venue d'un nouvel accord-cadre pour l'abandon du droit à l'autodétermination ?