Mokrane Agawa, artiste kabyle, ayant marqué le genre liturgique, s'est éteint avant-hier matin, samedi, dans son village natal, Aït Atteli, dans la région de Larbâa Nath Irathen. La nouvelle a surpris tout le monde car, il y a quelques jours, l'artiste avait été aperçu dans les rues de la ville de Larbaâ Nath Irathen. Il avait l'air plutôt en forme. L'information a plongé la Kabylie dans la consternation car le décès de cet artiste très respecté est intervenu à la veille d'un hommage qui devait lui être rendu à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri à l'occasion de Leilat el kadr. Hier, en fin de matinée, il y avait foule dans son village. Le chanteur Rabah Ou Ferhat qui a beaucoup côtoyé le défunt, était encore sous le choc de cette disparition. «Je l'ai rencontré les premiers jours du Ramadhan dans la ville de Larbaâ Nath Irathen. Nous nous sommes salués et nous avons échangé quelques phrases. II était malade ce jour-là selon ses dires», confie Rabah Ou Ferhat qui dit connaître Mokrane Agawa depuis plusieurs années. Notre interlocuteur nous a affirmé que ces dernières années, ils étaient très proches à cause des hommages qui lui étaient rendus. «C'est quelqu'un qui a porté très haut le chant liturgique d'expression kabyle. Mais avant cela, il a chanté des chansons ordinaires, portant sur plusieurs thèmes, et qui sont toutes disponibles à la Chaîne II de la Radio nationale.» Selon des témoignages des proches de Mokrane Agawa, ce dernier était d'une humilité exemplaire. Il était sollicité de partout et il ne répondait jamais négativement. II ne prenait pas en considération le profil (riche ou pauvre) de ceux qui le sollicitaient pour des commémorations. Ces dernières années, l'équipe de la radio se déplaçait chez lui afin de l'enregistrer pendant le mois de Ramadhan. Quand il était plus jeune, chaque année, durant le mois de jeûne, il se déplaçait à Alger pour agrémenter les soirées ramadhanesques avec ses «mdih» succulents et sa voix très agréable. ll faudrait aussi signaler que Mokrane Agawa a bénéficié de tous les égards de la part des citoyens de sa région mais aussi des autres localités. Contrairement à de nombreux autres artistes tombés dans l'oubli et l'ingratitude, Mokrane Agawa a été en quelque sorte gâté par les siens. Ces derniers n'ont jamais manqué l'occasion de faire revivre son oeuvre. L'association Tafaska N Si Moh Mhand a organisé, à deux reprises des activités en hommage à Mokrane Agawa. D'autres journées ont été consacrées au même artiste sous l'égide de l'APC d'El Biar. Cet hommage avait eu lieu à la place Kennedy. Mokrane Agawa était très connu pour son grand sens de l'humour. Même dans les moments difficiles, il trouvait toujours les vocables appropriés afin de détendre l'atmosphère. Lors de l'enterrement de l'artiste Dalil Omar, Mokrane Agawa était présent. Malgré la circonstance, Mokrane Agawa a raconté des tas d'anecdotes qui ont pu sur le coup permettre de faire oublier pour quelques instants la douleur de la perte du chanteur Dalil Omar. Mokrane Agawa était un très bon vivant qui aimait tant la vie. D'ailleurs, selon les siens, la vie l'a vraiment gâté. II a eu une vie heureuse. Son vrai nom est Ouali Mokrane. Dans les années cinquante, il s'est déplacé à Béjaïa où il a fait ses premiers pas dans la chanson. II était attaché à cette région. D'ailleurs, ses deux épouses sont originaires de cette wilaya. Après son retour dans son village natal, il a été attiré par la zaouïa El Amaria de son hameau. II a alors décidé de changer de genre, en laissant la chanson pour se lancer dans le chant liturgique.