Une plus grande protection des sociétés algériennes par l'Etat est la principale revendication des patrons et des experts. Le président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, Brahim Bendjaber, a joint sa voix à celle des autres patrons et experts pour s'étonner du fait que l'Algérie importe des diouls, du couscous et des biscuits (avec moins de deux tiers de leur durée de vie) de Tunisie. Cet exemple illustre, à lui seul, la crainte des entrepreneurs algériens de devoir mettre la clé sous le paillasson s'ils sont mis en concurrence avec les étrangers avec le lot de chômage que cela signifie. Ces avis étaient exprimés lors de la soirée d'avant-hier à l'hôtel El Aurassi à l'occasion d'un débat initié par le Forum des chefs d'entreprise sur le thème de «La place de l'entreprise algérienne dans le nouveau plan quinquennal 2009-2014». Suite à ce constat, la revendication de l'assistance a été claire: il faut une meilleure protection de l'Etat au profit de l'entreprise nationale. Mouloud Hedir, longtemps consultant au FCE, a suggéré de diviser les grands projets en lots afin de permettre à ces sociétés de soumissionner pour les chantiers des grands travaux comme ceux des autoroutes. Pour l'instant, ces opportunités ne sont offertes qu'à quelques compagnies. Le président du FCE, Réda Hamiani, a déploré le fait que le plan de relance économique actuellement mené par les pouvoirs publics n'accorde qu'une place dérisoire à l'entreprise. Selon lui, l'une des conditions pour changer cet état de fait est de l'associer au dialogue. Cette démarche n'est pas encore adoptée par le gouvernement puisque beaucoup d'intervenants sont revenus sur la loi de finances complémentaire de 2009 élaborée sans solliciter l'avis des patrons. Ces derniers sont conscients des paradoxes dans lesquels ils s'embourbent en demandant tantôt une libéralisation du marché, tantôt une fermeture de l'économie. Hamiani s'exprime ainsi: «La fermeture à laquelle nous assistons est autant préjudiciable à l'entreprise nationale qu'à l'ouverture de l'économie qui s'est faite dans la précipitation.» Mouloud Hedir propose d'utiliser les mécanismes de protection de la production comme cela se pratique dans des pays libéraux comme les Etats-Unis. Malgré le fait que les critiques ont fusé de toutes parts pour dénoncer l'absence de stratégie de développement, il y a eu quand même quelques voix pour modérer ces jugements et susciter une note d'espoir. C'est le cas de Abdelmadjid Bouzidi qui a souligné que tous les ingrédients pour faire de l'Algérie un pays émergent sont réunis et qu'il manque seulement un déclic pour déclencher un développement autocentré. Parmi les verrous à faire sauter, il cite la bureaucratie. Il met aussi en garde contre le risque d'aggravation de l'inflation qui est en hausse de 1% chaque année. Bouzidi pense que la voie du développement de l'Algérie doit emprunter celle suivie par l'Inde, Taïwan, l'Indonésie, la Malaisie et la Chine où existe la protection de l'entreprise par l'Etat. Au préalable, il préconise un diagnostic de l'économie suivi d'un dialogue avec les acteurs du marché pour aboutir à des décisions saines et éviter de tomber dans les histoires comme celle ayant engendré l'imposition du crédit documentaire. Amar Ziyad, président de l'Union nationale des opérateurs en pharmacie, a saisi cette opportunité pour dire que les importateurs seront dans l'incapacité de réaliser des stocks de trois mois en médicaments et en intrants suite à ces décisions. Le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), Abderrahmane Benkhalfa, a expliqué que ces mesures visent à professionnaliser le métier d'importateur. Parlant avec franchise, il a accusé les importateurs de n'avoir jamais fait répercuter sur le consommateur les gains réalisés suite à des avantages obtenus grâce au taux de change avec le dollar, alors qu'ils menacent d'augmenter les prix de leurs produits sous prétexte qu'ils subissent des coûts supplémentaires. Le consultant Mustapha Mékidèche a aussi abordé cette problématique du commerce extérieur en annonçant que l'Algérie exportera en 2009, les hydrocarbures pour une valeur de 40 milliards de dollars avec des importations équivalentes en marchandises, à quoi s'ajoutent 11 milliards de dollars en services, ce qui signifie que la balance commerciale sera déficitaire. Toujours à ce propos, certains patrons s'étonnent des réactions de leurs collègues qui parlent de protection du marché alors qu'ils importent des boissons énergisantes comme Red Bull. Dans l'agroalimentaire, le directeur de Lu Algérie, Claude Joly, a même souligné qu'une biscuiterie de Cherchell risque de fermer et de forcer 600 travailleurs au chômage à cause des importations massives de produits concurrents parvenues notamment de Tunisie, depuis l'entrée en vigueur de l'accord portant sur la Zone arabe de libre-échange.