L'impôt est loin d'être la seule entrave à l'investissement selon les experts. Une réponse partielle a été donnée par le ministre des Finances, Karim Djoudi, au patronat qui demande l'allègement des impôts et taxes. Toutefois, les entrepreneurs n'ont pas de détails sur l'ampleur des décisions prises par le gouvernement. Pour cela, il faudrait attendre la tenue d'un Conseil des ministres dont la date n'est pas encore fixée. Interrogé au sujet des suites réservées par le gouvernement aux suggestions du patronat, le président de la Chambre algérienne du commerce et d'industrie, Brahim Bendjaber, s'est contenté de dire que les revendications ont été déjà portées à la connaissance des instances chargées de cette question. L'une des propositions phares de Brahim Bendjaber est l'octroi d'un moratoire de trois ans sur les impôts. Cette décision devrait s'appliquer, selon lui, même aux employeurs qui sont en train d'activer actuellement dans l'informel. Il semble pourtant que ce conseil est loin d'être entendu par la direction générale des impôts. Néanmoins, cette dernière est dans l'obligation de faire un geste vis-à-vis des opérateurs économiques pour ne pas donner l'impression qu'elle est coupée de la sphère économique réelle. Il se pourrait ainsi que ce soit la taxe sur l'activité professionnelle qui sera touchée par la mesure d'allègement annoncée par le gouvernement. La TAP est actuellement d'un taux de 2% sur le chiffre d'affaires. Elle pourrait connaître une baisse pour ne plus être que de 1%. Les diverses branches d'activités ont pourtant des demandes bien particulières à formuler au gouvernement. C'est ainsi qu'on a appris, par exemple, que l'Association des producteurs algériens de boissons ont transmis au gouvernement des demandes concernant la réduction de certaines taxes afin d'encourager la production. Actuellement, les intrants sont taxés à hauteur de 30% alors que dans d'autres pays les taux sont moindres ou inexistants. Cela encourage l'importation plutôt que la production nationale, nous a répété, à plusieurs reprises, le président de l'association, Ali Hamani. Pourtant, à croire certains experts, les impôts sont loin d'être la seule entrave à l'investissement. Selon l'expert financier, Mohamed Ghernaout, il y a d'autres questions qui se posent à l'opérateur avant de se lancer dans l'acte d'investir. Il faut commencer par se poser la question de savoir où investir. A travers cette question, c'est l'étude de marché qui est visée. Les études technico-économiques sont rarement utilisées par les patrons. C'est pareil en ce qui concerne les sondages. La raison est simple: ces études reviennent trop cher. Alors, les patrons se retrouvent à faire comme le voisin et à appliquer le principe de l'effet «moutonnier». La disponibilité...des entraves Dès qu'une affaire réussit, tout le monde s'engouffre dans la brèche au risque de tuer la poule aux oeufs d'or. C'est ce qui s'était passé concernant l'investissement dans les meuneries. Il y a eu tellement d'unités que la capacité d'absorption du marché local a été dépassée. Ajoutez à cela le fait que le marché de l'exportation n'a pas été exploré, les patrons se sont retrouvés avec leurs marchandises sur les bras. La conséquence logique a été la fermeture des usines avec le lot de chômage que cela a apporté. A travers ces cas inspirés de la réalité, Ghernaout arrive à la conclusion que la pression fiscale n'est pas la seule entrave à l'investissement. D'autres analystes et investisseurs énumèrent un chapelet de barrières comme la disponibilité du foncier et le coût du loyer ainsi que les complications bureaucratiques. L'acte d'investir ne dépend donc pas d'un seul élément. La fiscalité est certes un élément contraignant, mais il n'est pas suffisant. D'ailleurs, il y a des régimes spécifiques consentis par l'Agence nationale de développement de l'investissement, mais la totalité des déclarations d'investissement n'est jamais réalisée, ce qui prouve que le fait de bénéficier de réductions fiscales ne constitue pas l'unique donne à influer sur la décision d'investir. D'ailleurs, le pays est loin de figurer au peloton de tête des pays attractifs pour l'investissement puisque la palme d'or revient à la Tunisie. Pourtant, la législation et la réglementation ont offert pendant longtemps des mesures d'incitation et de facilitation pour tout investisseur sans distinction entre le capital national et le capital étranger jusqu'à ce que les règles du jeu changent en décembre dernier. En tout cas, même avant cette date, l'Andi a constaté que les projets autorisés mettent trop de temps à être réalisés. L'Agence a alors décidé d'instaurer un contrôle annuel pour s'assurer que les entreprises qui ont bénéficié d'allégements fiscaux sont effectivement en phase de leur réalisation. Auparavant, le Code des investissements offrait une série d'avantages aux investisseurs et a mis en place les instruments nécessaires à une politique de promotion des investissements tels que le Conseil national de l'investissement présidé par le Premier ministre. L'Agence nationale de développement de l'investissement s'est dotée de structures centrales et de guichets uniques regroupant les secteurs administratifs concernés par l'acte d'investissement afin que l'impôt ne soit pas le seul élément incitatif d'investissement. Il s'agit alors de renforcer les facilités offertes sur le volet fiscal et parafiscal. Ce sont des baisses importantes, voire des exonérations selon les régimes prévus, sur certaines charges des entreprises. L'application du taux réduit en matière des droits de Douanes pour les équipements importés dans le cadre de la réalisation de l'investissement, l'exonération de l'impôt sur le bénéfice annuel, de l'impôt sur le revenu global, de la franchise de TVA sur les biens et services sont parmi la panoplie d'instruments proposés. L'Etat et les propositions des patrons La législation prévoit différents régimes de faveur. Le régime général octroie des avantages standardisés essentiellement liés au montage du projet. Les régimes particuliers visent à favoriser certains investissements selon leur nature, intérêt ou localisation. Les différentes facilités peuvent s'étaler sur trois ans dans le cadre du régime général et sur un maximum de dix ans pour le régime dérogatoire. C'est ainsi que des investissements tels que ceux d'Orascom pour réaliser sa cimenterie ont bénéficié du régime de la convention. C'est d'ailleurs ce qui a suscité la colère du gouvernement lorsque le propriétaire a vendu son usine à Lafarge. Quelquefois, ces facilités ne sont pas appréciées à leur juste valeur par les investisseurs. C'est le cas de l'émirati Eemar qui a dû renoncer à ses projets, non à cause de la pression fiscale mais à cause de ses demandes répétitives d'obtenir le foncier à des prix symboliques, nous a indiqué une source émanant du ministère de l'Industrie et de la Promoition des investissements. En tout cas, l'Etat n'adhère pas à toutes les revendications du patronat car ses représentants, à l'instar du directeur général des impôts, Abderrahmane Raouia, estiment que beaucoup a déjà été fait dans ce sens. Pour illustrer cette divergence de points de vue, il suffit de prendre l'exemple de la taxe sur l'activité professionnelle. Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise a demandé sa suppression pure et simple car elle est imposée aussi bien aux entreprises qui réalisent des bénéfices qu'à celles qui n'en réalisent pas. Or, il se trouve que la TAP sert à financer les collectivités locales et il n'est pas facile de trouver 100 milliards de dinars qui disparaîtraient en cas de sa suppression, argumente l'administration. La suppression de la double imposition concernant l'impôt sur le bénéfice des sociétés et l'impôt sur les dividendes des actionnaires est un autre motif de querelles entre les deux acteurs. En attendant de régler tous les détails, il y a environ 10 milliards de dollars qui circulent dans le secteur informel. Et ce phénomène n'est pas près de voir son épilogue.