Concevoir un tel événement équivaut à «célébrer le beau, le partager avec d'autres. Parce que c'est de désir qu'il s'agit ici: désir de s'émouvoir, de penser, de s'élever», confie Sofiane Hadjadj. Mahmoud Darwich nous a quittés le 9 août 2008. Un an après sa disparition, un hommage sera rendu du 01 au 03 octobre, à cette «splendide figure poétique» comme le qualifie Sofiane Hadjadj des éditions Barzakh, partenaire de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel, organisatrice de cet événement. Le programme se veut d'emblée chargé et riche en hommage à la hauteur du talent et la densité poétique de cet être exceptionnel. Du moins une tentative vers ce miracle absolu. Au programme, d'abord, une exposition le jeudi 1er octobre au Musée d'art moderne et contemporain, le Mama. Intitulé «Une nation en exil», cette expo qui durera un mois est l'oeuvre de l'artiste peintre et plasticien Rachid Koraïchi, ami du poète décédé, qui proposera des gravures inspirées des poèmes de Darwich. «Un moment particulièrement fort de ma vie a été le travail avec Mahmoud Darwich à Tunis. Dans ce projet, il n'était pas question pour moi d'illustrer ses poèmes. J'aimais beaucoup ses textes et il appréciait mon travail. Je voulais donc saisir esthétiquement l'émotion à la naissance de son poème. (...)Ainsi, je suivais le jaillissement de ces textes dans une exaltante aventure picturale qui dura trois ans. (...) Il s'agissait d'ouvrager l'ensemble à la manière des Mou'allaqât», confie le calligraphe Rachid Koraïchi. Suivra un court spectacle de danse contemporaine élaboré dans l'intimité des textes de Mahmoud Darwich par la danseuse Nacéra Bealza. Dans l'enceinte immaculée du Mama, la danseuse algérienne tentera par la beauté de la danse que crée le corps, de nous restituer la belle et émouvante poésie de Darwich, cette figure de proue de la poésie palestinienne qui n'a jamais cessé de croire en la paix en étant entièrement solidaire de son peuple déraciné. Le lendemain, dans l'intimité de la Maison des artistes, Dar Abdeltif accueillera à 16h, une lecture poétique orchestrée par la poétesse Inaâm Bayoufh qui entremêlera sa voix à la beauté mélodieuse d'un oud. Un après-midi où sera entamée aussi une résidence d'écriture entre Najwan Darwich (El Qods) et Abdallah El Hamel (Tindouf). A 19 h, place à la musique palestinienne. La salle Ibn Zeydoun abritera à 19 h, un concert de Moneïm Adwan Quatuor, décliné entre chant, ‘oud, violon, ney et percussions. Les compositions du luthiste et chanteur palestinien Moneïm Adwan, né à Rafah, dans la bande de Ghaza, en 1970, ne manqueront pas d' émouvoir le public par ses créations s'inspirant du patrimoine traditionnel palestinien et du répertoire classique arabe. Moneïm Adwan a appris la psalmodie coranique très jeune et chante depuis son enfance le répertoire populaire et classique arabe. Il découvre le oud à 17 ans et part l'étudier à l'université de Tripoli. Ses chants, empreints de mélancolie, interprètent des textes qui parlent de l'histoire de son pays, de la vie quotidienne palestinienne, de l'amour. Sa carrière de musicien le mène aujourd'hui sur les scènes de nom-breux pays. Le lendemain, un colloque se tiendra au Mama et portera sur la vie et l 'oeuvre de Mahmoud Darwich. Un colloque qui tentera de sonder la poésie de Darwich et d'en d'ébattre tout simplement par amour de ce génie de la plume. Trois rencontres vont nous mettre en présence de proches, de compagnons de Mahmoud Darwich. Ecrivains, poètes, traducteurs, penseurs, leur travail a intimement côtoyé l'oeuvre de Mahmoud Darwich. Chacun en témoignera. Prendront part à ce colloque un riche parterre d'intellectuels, à savoir Mohammed Bennis (Maroc), Abbas Beydoun (Liban), Inaâm Bioud (Algérie), Rachid Boudjedra (Algérie), Breyten Breytenbach (Afrique du Sud), Francesca Corrao (Italie), Najwan Darwich (Palestine), Adel Karachouli (Allemagne), Rachid Koraïchi (Algérie), Luz Garcia (Espagne), Farouk Mardam Bey (France), Hakim Miloud (Algérie) et Elias Sanbar, (Palestine). Grâce à cet événement, «sa force d'évocation, sa grandeur d'âme, son génie des mots et la générosité de sa vision seront parmi nous encore, attestant de sa présence exceptionnelle, au-delà des mots et de la mort», souligne la ministre de la Culture, tandis que Sofiane Hadjadj atteste de la vie d'engagement tout entière que vouait Mahmoud Darwich à la poésie. «Poète de la résistance», mais pas seulement, il revendiquait le droit à être avant tout un poète. Dans une quête incessante - à l'exigence sévère -, sa poésie a atteint une sublime amplitude. Mêlant le récit épique, la vie quotidienne telle qu'elle est, banale, malicieuse / grise ou en couleurs, célébrant l'amour, tout en creusant douloureusement la question du Mal, elle résonne en chacun de nous avec une bouleversante familiarité. L'idée d'organiser, ici, à Alger, un moment, une «halte», autour de Mahmoud Darwich s'est imposée à nous comme une évidence, un impératif!, souligne-t-il. Et d'ajouter: «Quand on conçoit un tel événement - quand on le porte en soi -, inquiétude et joie se côtoient. Célébrer le beau, le partager avec d'autres mène pourtant à une forme de transport. Parce que c'est de désir qu'il s'agit ici: désir de s'émouvoir, de penser, de s'élever...» O. H.