Mémoire n Dans le cadre de cette manifestation initiée par les éditions Barzakh en étroite collaboration avec l'Agence nationale du rayonnement culturel, une exposition se tient, depuis jeudi, au Musée d'art contemporain d'Alger. L'exposition comprend, outre des installations vidéo, quelques coupures de journaux portant sur le poète, des photographies sur lesquelles on voit le poète, des gravures du plasticien algérien Rachid Koraïchi. Ces gravures s'organisent sous le titre «Une nation en exil». Cette exposition se veut un hymne à la beauté et à l'amitié. Car elles sont le résultat d'une rencontre de l'artiste et du poète, du croisement de deux sensibilités, celle de Koraïchi avec Darwich. Les gravures réalisées par Koraïchi et sur lesquelles sont illustrés des caractères et des motifs inspirés de l'alphabet arabe se présentent comme le prolongement des poèmes de Darwich. «Mes gravures sont un compagnonnage de bout en bout de Mahmoud Darwich. J'ai fait une écriture parallèle à la sienne», explique le plasticien, et d'ajouter : «J'ai fait une écriture plastique d'invention nouvelle qui donne, à ma manière, une nouvelle dimension poétique à l'écriture des poèmes de Mahmoud Darwich.» Tout commence lorsque Koraïchi rencontre, en 1981, Darwich. Tous deux se trouvent à Tunis. L'artiste sélectionne une vingtaine de poèmes de Darwich dont il s'inspire pour composer et créer vingt gravures. Ainsi, dans cette rencontre qui devient, au fil de chaque poème, une amitié s'est élaborée et a pris naissance dans une intimité créatrice. Une œuvre qui se dit une aventure artistique. Une création se distinguant tant par l'originalité de son concept que par son exigence esthétique. Il est à noter que les gravures de Rachid Koraïchi sont placées côte à côte des textes calligraphiques en koufi du calligraphe irakien Hassan Messaoudi. S'exprimant sur le poète et son œuvre, Sofiane Hadjadj des éditions Barzakh dira : «Mahmoud Darwich est une splendide figure poétique», et de poursuivre : «Poète de la résistance, mais pas seulement, il revendiquait le droit à être avant tout un poète.» «Dans une quête incessante - à l'exigence sévère -, sa poésie a atteint une sublime amplitude. Mêlant le récit épique, la vie quotidienne, célébrant l'amour, tout en creusant douloureusement la question du Mal, elle résonne en chacun de nous avec une bouleversante familiarité.» Interpellé sur l'initiative, Sofiane Hadjadj souligne : «Quand on conçoit un tel événement, quand on le porte en soi, inquiétude et joie se côtoient. Célébrer le beau et le partager avec d'autres mènent pourtant à une forme de transport. Parce que c'est de désir qu'il s'agit ici : désir de s'émouvoir, de penser, de s'élever.» Et de conclure : «Puisse le plus grand nombre être touché par cette grâce. Car enfin, dans le fracas de notre monde, quel privilège que de pouvoir se confier aux mots de Mahmoud Darwich, et de savoir que ‘'face à la béance du temps (…)/nous cultivons l'espoir''.» l En marge de l'exposition, les sœurs Belaza ont occupé un espace du musée. Elles l'ont investi pour incarner par la danse, et cela le temps d'une performance chorégraphique, les mots du poète. Toutes deux ont mis le corps en espace ; et à l'écoute de chaque vers, l'une comme l'autre, se laissant influencer, diriger, voire inspirer par l'intonation rythmique de chaque mot prononcé avec autant de précision que d'exaltation, ont composé des gestes, tracé des déplacements, imaginé des trajectoires. Le corps se confond à l'espace, et celui-ci se mêle intimement au sujet. Tous deux deviennent une seule et même unité. L'association des deux éléments se construit, pas à pas, dans une succession de mouvements, dans l'acheminement instantané de l'action, dans l'absolu. Et de cet absolu poétique, jaillit la mémoire, celle de Mahmoud Darwich, mais dans un imaginaire esthétique, ouvert à l'ivresse, au rêve et à l'espoir. C'est alors sur la poésie de Mahmoud Darwich ( sur un arrière-fond musical les poèmes sont accompagnés du son du ‘oud) que les deux sœurs Belaza ont exprimé par leur corps et sur un ton contemporain les vers du poète «universellement palestinien». C'est pour dire qu'il est possible de lire la poésie non seulement verbalement, mais aussi corporellement. Le corps ainsi se révèle un langage à part entière. La performance corporelle s'est révélée en soi une lecture poétique.