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Et quand Miriam Makeba chante «Malaïka»...
LE TEMPS DE LIRE VA DIRE À NETO, VA LEUR DIRE... DE BOUBAKER ADJALI-KAPIAÇA
Publié dans L'Expression le 07 - 10 - 2009

Dans ce quartier pauvre de Lusaka, loin des bars huppés et des magasins, le besoin de survivre, ce jour-là, est porté loin par «Mama Africa».
Je ne pouvais pas commencer la présentation de l'émouvant et courageux livre Va dire à Neto, va leur dire... (*) de l'Algérien Boubaker Ajdali-Kapíaça, sans revenir, un instant, sur la diva africaine, Miriam Makeba dont l'engagement pour les causes justes a duré jusqu'à son dernier concert à Naples, jusqu'à son dernier souffle, le 9 novembre 2008. L'auteur l'évoque à la page 36 de son ouvrage, et je pense que, par là, il l'honore, en quelque sorte posthumement, en reproduisant ce «vrai cours de lutte des classes»: «Nashindwa na mali sina, we / Malaïka nakupenda Malaïka» [«Si ce n'est le manque de fortune, oui / Mon ange, je t'aime, mon ange / Et moi, ton jeune amour, que puis-je faire. / Si c'est le manque de fortune, / Oui, je t'épouserais mon ange / Si ce n'est le manque de fortune, oui,...]»
Enfermés dans un véritable huis clos infernal, dans leur propre pays, les peuples d'Afrique dans le malheur colonial, en ce temps-là, avaient avec eux «La Voix du Continent Noir»; la sublime chanteuse sud-africaine Miriam Makeba, une légende, connue dans le monde entier pour son militantisme anti-apartheid et par son plus grand succès «Pata, Pata» («Un petit rien en zoulou»). Sans aucun doute, les Algériens de 1969 se souviennent de son excellente interprétation de la célèbre chanson Ifrikia (Africa) en duo avec Lamari, lors de sa participation au 1er Festival panafricain d'Alger.
Boubaker Adjali (Kapíça, «Hirondelle» en Angola, Nicolaus Hussein au Mozambique) est né en 1939 à Meskiana, dans l'Est algérien. Très jeune, il rejoint le FLN à l'intérieur puis il gagne la fédération de France. Après des études en électricité à Paris et de cinéma à Prague, il active au sein de l'ALN. À l'indépendance, il est responsable de la section audio-visuelle de la commission Centrale d'Orientation jusqu'en juin 1965, puis il quitte l'Algérie, se marie avec Mia Aurbakken, à New York, en 1967. Il s'engage ensuite aux côtés des mouvements de libération d'Afrique et d'Asie. Il publie de nombreux articles et réalise des documentaires sur la lutte des Palestiniens et sur un grand nombre de pays d'Afrique en lutte pour leur indépendance. Un temps, il est «Conseiller Spécial» dans plusieurs administrations gouvernementales d'Afrique et dans plusieurs institutions de niveau mondial.
La présente publication de Boubaker Adjali est un témoignage de sa longue marche à travers les pays menant une lutte de libération nationale, - dans les zones de guerre au Congo Brazzaville, Tanzanie et Zambie,... - et particulièrement dans les maquis de l'Angola. Le nom «Neto», inscrit dans le titre du livre d'Adjali, désigne le Dr Agostinho Neto, le président du MPLA qui est aussi l'auteur d'un recueil de poèmes (Yeux secs) dont sont extraits les poèmes «Au revoir à l'heure du départ, ma mère» et «Le lever du drapeau».
Dans ce livre, l'auteur précise que «Seul [l'] anime le désir de laisser la trace de [son] expérience et d'inscrire [son] regard dans cette histoire africaine, douloureuse, passionnante et si souvent entachée de mensonges, de préjugés, de racisme et d'oubli.» Aux reproches que certains pourraient formuler à son égard et au sujet de la part de lutte qu'il a prise aux côtés des mouvements de libération, il avait déjà annoncé la bonne répartie d'une indispensable justification: «Que faites-vous du côté de l'injustice, du mauvais côté de l'histoire?»
De Dar Es-Salaam au Royaume de Lunda, l'itinéraire militant des causes justes de Boubaker Adjali-Kapíaça ressemble à une épopée menée par un personnage emporté par sa conscience dans la grande légende des peuples épris de justice et de liberté. Evidemment, d'autres vrais révolutionnaires se sont engagés dans le choix des peuples soumis, à se libérer. Un nom, qui a franchi tous les seuils de combat de la volonté populaire, vient à l'esprit de chacun de nous, et c'est Mohammed Boudia, militant de la révolution algérienne et martyr de la révolution palestinienne, et c'est aussi Ernesto Che Guevara dont le surnom «Tatu», lui fut donné dans la jungle congolaise et qui signifie «trois» en Swahili. Mais, étrangement, Boubaker Adjali rapporte, sans ambiguïté, du «Che», un témoignage invraisemblable en se référant à l'article publié, dans Che in Africa et intitulé Che Guevara's Congo Diary, par William Galvez (Brigadier général des forces révolutionnaires cubaines). Adjali écrit, en effet, ces lignes inouïes, troublantes: «Comme à son habitude, ´´El Che´´ se donne le beau rôle de révolutionnaire moraliste et peut-être même raciste. Il n'aurait rencontré aucun Congolais (Bantou) qui vaille la peine que l'on en dise des mots gentils? Aucun qui à ses yeux aurait pu être son compagnon? (page 27)»
Va dire à Neto, va leur dire (en sous-titre Journal avec la Guérilla MPLA en Angola) est publié avec le soutien du ministère de la Culture, dans le cadre du Fonds national pour la promotion et le développement des arts et des lettres. Il comprend une biographie de l'auteur (il y est indiqué qu'il est décédé à New York, le 14 décembre 2007). L'ouvrage est divisé en cinq chapitres (Dar Es-Salaam; Lillanda; IIIe région Moxico; IVe région Lunda; Retour vers la Zambie), suivis de notes intéressantes sur «la marche» et sur les principaux personnages. Y sont ajoutées également les sources documentaires essentielles, des cartes et, en Annexes, de nombreuses photos en noir et blanc sur les différentes rencontres de l'auteur avec les combattants et les populations. En somme, un journal d'une marche étonnante, périlleuse et sincère avec la guérilla MPLA en Angola.
(*) VA DIRE À NETO, VA LEUR DIRE...
de Boubaker Adjali-Kapiaça
Casbah-Editions, Alger, 2009, 222 pages.


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