La justice marocaine a condamné, le 15 octobre 2009, trois journalistes à des peines de prison ferme tandis que le quotidien Emmarakech en ligne accuse les services algériens de vouloir semer des troubles dans les provinces du sud du Royaume. C'est dans cette ambiance d'atteinte à la liberté d'expression et des droits de l'homme ainsi qu'aux désormais traditionnelles attaques contre l'Algérie que le jeune souverain alaouite s'apprête à célébrer le 34e anniversaire de la «Marche verte». Une occasion de mobiliser ses troupes et de faire l'union sacrée autour de son projet d'annexion du Sahara occidental. Cet «événement» commémoré annuellement avec faste sera terni par l'arrestation et la mise sous les verrous du directeur de publication du journal Al Michaâl. Driss Chahtane a été interpellé à l'intérieur de la rédaction de son quotidien. «Les policiers viennent d'entrer dans mon bureau pour m'emmener en prison.» avait-il réussi à déclarer à Reporters Sans Frontières au moment où des agents s'apprêtaient à le conduire dans un lieu de détention tenu secret. «C'est très dur. C'est une catastrophe. C'est une grande injustice», a lâché, visiblement surpris et très affecté, Driss Chahtane. Il a été condamné à 1an de prison ferme alors que Rachid Mahamid et Mustapha Hayrane, deux de ses journalistes, ont écopé de trois mois de prison ferme et ont pour le moment, été laissés en liberté. Leur procès portait sur des publications concernant la santé de Mohammed VI durant le mois de Ramadhan. Les trois confrères étaient accusés de délit de publication de «fausses nouvelles», d'«allégations erronées», de «mauvaise foi», réprimé par les articles 42 et 68 du Code la presse. Lors de l'énoncé du verdict prononcé par le tribunal de première instance de Rabat, le procureur a ordonné l'arrestation immédiate du directeur de publication du quotidien arabophone Al Michaâl en vertu du chapitre 400 du Code de procédure pénal. Ce qui a soulevé l'inquiétude et l'indignation de son rédacteur en chef. «Driss Chahtane a bien été arrêté contrairement aux deux autres journalistes. On ne s'explique pas cette réaction du régime, surtout en ces temps où on pensait que la situation de la liberté de la presse s'améliorait au Maroc. Al Michaâl est un journal qui gêne. L'article n'est même pas mal intentionné. Il faut respecter ´´les lignes rouges´´». On s'attendait à un jugement assez grave, mais pas à ce point-là. De plus, les trois journalistes n'ont pas eu la possibilité de se défendre et d'appeler leurs témoins à la barre. «La cour a bafoué tous les droits de la défense» a tenu à souligner Driss Ould-Al Kabla. Une nouvelle affaire d'atteinte à la liberté d'expression et aux libertés des droits de l'homme après l'arrestation et la séquestration de sept militants sahraouis des droits de l'homme par les autorités marocaines à Casablanca après leur retour d'une visite des camps de réfugiés de Tindouf, le 8 octobre dernier. Et au sujet du conflit du Sahara occidental, la presse aux ordres du Makhzen ne cesse de focaliser son attention sur l'Algérie pour expliquer, de façon diabolique, les fréquents soulèvements populaires en faveur de l'indépendance dans les territoires sahraouis occupés. A ce propos, le quotidien en ligne Emmarakech écrit: «L'ASM (Association du Sahara marocain) a pu savoir... que les services de sécurité, suite à un renseignement qu'ils ont reçu selon lequel un Français d'origine algérienne doit se déplacer à Agadir ce week-end pour remettre une importante somme d'argent à des éléments séparatistes pour financer des actions visant à troubler l'ordre public dans certains sites universitaires et dans nos provinces du Sud.» A ce rythme et à force de marteler l'opinion avec des informations aussi mensongères que toxiques, c'est le peuple marocain frère qui finira par être troublé. L'occasion sera offerte au roi du Maroc pour ajouter un peu plus d'huile sur le feu lors de la célébration du 34e anniversaire de la «Marche verte», le 7 novembre, qui a marqué le début de l'annexion des territoires sahraouis abandonnés par les autorités espagnoles en 1975. «En vue de trouver une issue à ce différend, le Maroc a donné la démonstration de sa volonté sincère de faire la part des choses entre le différend régional sur le Sahara occidental et le développement souhaité des relations bilatérales avec l'Algérie. Malheureusement, à travers sa position officielle, ce pays cherche à entraver la dynamique vertueuse enclenchée par l'initiative marocaine», avait déclaré l'année dernière Mohammed VI. Un discours qui, relativement, n'a guère évolué depuis que son père, feu Hassan II, a annoncé, un certain 16 octobre 1975, l'organisation de la «Marche verte».