Les massacres ayant visé des Algériens à Paris lors de la Révolution ne cessent d'alimenter les travaux des chercheurs. Les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris ont inspiré à nouveau l'historien Jean-Luc Einaudi qui publie un nouveau livre sur la question intitulé Scènes de la guerre d'Algérie en France: automne1961. Le livre paru aux éditions Le Cherche Midi est le troisième ouvrage que ce chercheur consacre aux massacres du 17 Octobre 1961 à Paris. Il a déjà écrit la Bataille de Paris en 1991 et Octobre 1961.Un massacre à Paris en 2001. Dans la préface, l'auteur explique que pour ce nouvel ouvrage, il avait eu accès à des archives de différentes administrations de l'Etat français ce qui lui a permis de faire état de nouveaux témoignages. Il justifie la publication de ce troisième livre par le fait qu'il a continué à recueillir des témoignages sur les évènements de l'automne 1961 et sur cette période marquée par les tragiques répercussions en France de la guerre d'Algérie. «J'ai toujours accordé une grande valeur à la parole des témoins, source irremplaçable, parfois unique, notamment lorsqu'il s'agit d'aborder des moments mettant en cause la responsabilité de l'Etat français et qui ont fait l'objet de la mise en oeuvre du mensonge d'Etat à ses différents stades», a-t-il écrit. Il souligne que ces témoignages sont une nouvelle contribution à la connaissance de cette période de notre histoire. Sur une grande partie de cet ouvrage de plus de 400 pages, Jean-Luc Einaudi livre les témoignages de ces acteurs, trop souvent anonymes, qui ont vécu ces évènements terribles et qui gardent des séquelles encore vives de ce qu'ils ont enduré cette nuit du 17 Octobre 1961 et durant les jours qui ont suivi. Hommes, femmes, vieux et même des enfants ont subi la féroce répression des forces de police dirigées par Maurice Papon, déjà célèbre pour ses exactions commises sous le régime de Vichy durant l'occupation allemande ou encore à Constantine après les évènements du 20 Août 1955. Les témoins racontent les conditions de leur arrestation, de leur incarcération et toutes les tortures qu'ils ont subies. Mohamed Hellal, âgé à l'époque de 14 ans, raconte: «Les éléments des CRS (compagnies républicaines de sécurité) sont descendus du camion. Ils ont présenté les armes et ils nous ont chargés. Ils ont des fusils. Ils ont tiré sur la foule. Je me suis sauvé. Au milieu du carrefour Villeneuve, rue de la Lune, j'ai senti que je ne pouvais pas soulever ma jambe. J'ai regardé mon pied et j'ai vu une trainée de sang. J'ai compris que j'étais blessé. Je me suis mis à quatre pattes, j'ai vu une 2CV et, par peur qu'ils m'achèvent, je me suis mis dans le caniveau, sous la 2CV. J'ai attendu que quelqu'un passe pour lui dire de me prendre.» Sauvé par un Algérien, le petit Hellal a passé une quinzaine de jours à l'hôpital. Une balle lui a traversé sa cuisse. «Je garde des séquelles, pas physiques mais morales. On traîne ça, je pense, jusqu'à la mort», confie-t-il à l'auteur. Jean-Luc Einaudi a été attaqué en justice en février 1999, pour diffamation, par Maurice Papon, à propos d'un article sur les massacres du 17 Otobre 1961, dans lequel il a souligné que ces actes ont été commis sous les ordres du préfet Papon. En mars 1999, au terme d'un procès qui a permis que soient entendus nombre de témoignages démontrant la matérialité des faits décrits par l'historien, Maurice Papon est débouté de sa plainte. Le tribunal a accordé à Einaudi le bénéfice de la bonne foi. La cour de justice a reconnu également à cette occasion que des massacres eurent lieu le 17 Otobre 1961.