L'Algérie compte officiellement 1.750.000 de pauvres à qui l'Etat a consacré 7 milliards de dinars, soit en moyenne quelque 4000 dinars par personne. Ces chiffres, communiqués, il y a quarante-huit heures, n'indiquent pas que le phénomène de la pauvreté a baissé si l'on se réfère aux déclarations ainsi qu'aux statistiques fournies par le ministre de la Solidarité, de la Famille, et de la Communauté nationale à l'étranger, l'année dernière. «Le taux de pauvreté est passé de 12,8% en 2000 à 5% à l'heure actuelle», a annoncé Djamel Ould Abbès. Or, si l'on considère que la population algérienne s'élève à plus de 35 millions d'habitants, on déduit que 1.750.000 sont pauvres. Cette opération mathématique, somme toute élémentaire, contredit de manière incontestable les données avancées par le ministre de la Solidarité. L'environnement économique et social de plus en plus difficile et contraignant dans lequel évolue la majorité des citoyens ne peut que confirmer que ces informations sont loin de refléter la réalité du terrain. Elles seraient même sujettes à caution. En effet, si l'on prend en compte seulement le million de retraités qui perçoit moins de 11.000 dinars par mois, les deux millions de handicapés qui bénéficient d'une pension de 4500 DA qui ne leur suffisent même pas à faire face à leurs traitements médicaux ainsi que les 3 millions de diabétiques (8% de la population)...on peut affirmer, sans nous tromper, que ces catégories sociales n'évoluent pas dans le cercle très fermé des nantis ou des nouveaux riches. Ils sont en situation chronique de précarité. D'autre part, les 7 milliards de dinars consacrés par l'Etat pour aider les plus démunis à faire face à un quotidien de plus en plus impitoyable, ne peuvent, en aucun cas, constituer une réponse à la régression de la pau-vreté à travers l'ensemble du territoire national. L'effort est louable et demeure une initiative, certes incontournable pour pallier une situation d'urgence. L'assistanat n'a cependant guère été la panacée pour lutter efficacement contre ce type de fléau. Précarité, pauvreté. Des concepts qui témoignent de la condition humaine. Entre le premier et le second, la frontière est souvent ténue. En faire un problème de sémantique ou tronquer des chiffres conduit à faire preuve d'indécence. «En Algérie, il n'existe pas de pauvres mais des nécessiteux», avait déclaré le ministre de la Solidarité. Les souffrances, si elles ne peuvent être soulagées, méritent au moins le respect. Sinon le silence. La flambée des prix des produits de consommation de base et des fruits et légumes ont conduit des mères de famille à faire les poubelles et à récupérer ce qui est invendable et avarié, abandonné par les commerçants à la fin des marchés. Ce que nous pouvons ob-server quotidiennement sur le terrain. Un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur. Des comportements auxquels s'adonnent désormais ceux qui ne savent pas tendre la main. Ceux qui ne veulent pas sombrer dans la mendicité et garder le peu de dignité qu'ils veulent absolument préserver. Les statistiques doivent les prendre en compte. Les pouvoirs publics ne peuvent les ignorer. Ils ont la responsabilité d'une efficace prise en charge. La flambée des prix des viandes et des fruits et légumes, qui s'est déclarée à la veille du mois de Ramadhan, se poursuit. Elle s'installe durablement dans le temps. Le pouvoir d'achat des Algériens s'en est sensiblement ressenti. Combien d'entre eux sont aujourd'hui en situation de précarité? Le département de Djamel Ould Abbès ne nous le dit pas. Combien de harraga continuent à vouloir fuir le pays faute de pouvoir mener une vie décente dans leur pays? A ce sujet, les communiqués restent laconiques. Tandis que la réponse, à ce mal qui gangrène la jeunesse algérienne, se manifeste à travers des textes de loi répressifs. Pour clore ce tableau, le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté à l'étranger ne nous explique pas comment une économie, qui aura bien du mal à équilibrer sa balance commerciale en 2009, qui a dû recourir à des restrictions attestées dans la loi de finances complémentaire pour lui prêter main forte, a pu faire reculer la pauvreté.