Avec cette affaire, l'envoyé spécial de l'Organisation des Nations unies au Sahara occidental aura fort à faire pour faire revenir le Maroc et le Front Polisario à la table des négociations. Les autorités marocaines comptent exploiter à fond l'arrestation des sept militants sahraouis des droits de l'homme pour en faire une question d'atteinte à la sécurité du Royaume et par conséquent relancer et promouvoir leur proposition de large autonomie pour le Sahara occidental. A la tête de l'ensemble de son état-major, le ministre de l'Intérieur marocain s'est déplacé, une semaine après leur interpellation, à Laâyoune, haut lieu de la contestation et des révoltes pacifiques sahraouies. «Le Maroc est déterminé à poursuivre le processus de réforme et de développement des provinces du Sud et à faire face aux complots des adversaires de l'intégrité territoriale du Royaume», a déclaré le 17 octobre 2009 Chakib Benmoussa. Certains journaux marocains sont allés encore plus loin, et comme à leur habitude, y voyant dans ce «complot» cousu de fil blanc et monté de toutes pièces dans les officines marocaines spécialisées dans la désinformation, la main d'Alger. Sous le titre «l'espion qui nous vient d'Alger» l'hebdomadaire Maroc Hebdo international lui y consacre un dossier. Ce média cible et diabolise en particulier Ali Salem Tamek, un des sept militants des droits de l'homme arrêtés le 8 octobre 2009 à l'aéroport Mohammed V de Casablanca. Désigné comme le responsable du groupe qui revenait d'une tournée dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, il est accusé au même titre que ses compagnons de mener des actions subversives. «Ils ont assisté à un défilé militaire organisé en leur honneur par la direction du Polisario. Ils ont également tenu des réunions avec des dirigeants du mouvement séparatiste ainsi qu'avec des hauts gradés des services spéciaux algériens. Ils ont été gratifiés de fonds pour leur permettre de financer leurs activités subversives et de relancer l'agitation dans les provinces sahariennes», écrit le journal. Un refrain déjà connu. L'affaire est délicate. Elle risque de remettre sérieusement en cause le processus des négociations entre le Maroc et le Front Polisario, difficilement remises en selle par le représentant personnel du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. L'obstination des autorités marocaines à ne voir de solution au conflit du Sahara occidental qu'à travers leur plan de large autonomie s'est durcie. Dans son dernier numéro l'hebdomadaire Tel Quel parle de «tour de vis». Durant trois jours, Chakib Benmoussa a matraqué le même message: «Tout est permis sauf le séparatisme.» Une sommation claire, au lendemain des poursuites lancées contre les sept indépendantistes pour «atteinte à la sécurité extérieure de l'Etat» a écrit notre confrère maghrébin. Des accusations qui ont conduit à la mise sous les verrous de Ali Salem Tamek et de ses six compagnons. La communauté internationale, indignée, s'est fortement mobilisée pour demander leur libération. La dernière en date provient du ministre irlandais des Affaires étrangères qui affirme que son pays «continuera à surveiller» la situation des sept militants sahraouis arrêtés à leur descente d'avion le 8 octobre 2009 à Casablanca. «Nous savons que ces militants ont été arrêtés dès leur arrivée au Maroc après leur retour des camps de réfugiés sahraouis et qu'ils sont toujours détenus et font face à des accusations graves», a déclaré Michael Martin. Dans une lettre adressée à Mohammed VI au mois de juillet 2009, Barack Obama a apporté un soutien appuyé au nouvel envoyé spécial de l'ONU: «J'espère que Christopher Ross, un diplomate chevronné ayant une large expérience de la région, pourra promouvoir un discours constructif entre les parties.» Le président américain, tout auréolé du prix Nobel de la paix, ne semble pas avoir été entendu du côté de Rabat et Christopher Ross devra redoubler de tact et d'ingéniosité pour éviter au conflit du Sahara occidental de sombrer dans la lutte armée. Une option que le Front Polisario n'exclut pas, au cas où les autorités marocaines venaient à persister dans leur entêtement et fouler au pied les nombreuses résolutions votées par le Conseil de sécurité de l'ONU en faveur de la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui.