Finies donc les précautions oratoires, ou ce discours de paix qui n'en est pas justement. A l'image du chef du parti travailliste qui fait plus que la droite traditionnelle, lui aussi a décidé d'aller au devant de l'électorat israélien dont il dévoile la tendance au passage. Amir Peretz a renoncé au discours d'ouverture qu'il tenait envers les Palestiniens lors de son élection à la tête des travaillistes. Et il a aligné, en matière de sécurité, ses positions sur celles du parti centriste : pas de discussions avec le Mouvement de la résistance islamique (Hamas), achèvement de la « barrière de sécurité » construite en Cisjordanie, évacuation unilatérale de colonies isolées, annexion des blocs de colonies au territoire israélien... Et pour ne pas se dévoiler totalement, ou encore tenter de faire admettre que les mauvais ce sont les autres, le gouvernement israélien déclarait hier à qui voulait l'entendre qu'il ne considère pas « hors jeu » le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas contredisant ainsi une déclaration de Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, a déclaré hier un haut responsable israélien. Mais cette ministre intérimaire était plus proche de la vérité, car Israël a décidé de marginaliser tous les responsables palestiniens, et poursuivi ses actions unilatérales. Le contrôle du Parlement et du gouvernement palestiniens par le mouvement islamiste Hamas, vainqueur des législatives, fait que M. Abbas est « tout simplement hors jeu », avait déclaré la veille Mme Livni, dans la foulée d'un entretien avec l'émissaire américain David Welch. Par contre, le nouveau Premier ministre palestinien, Ismaïl Haniyeh, a apporté son soutien au président Mahmoud Abbas exprimant son souhait de le voir poursuivre jusqu'à son terme son mandat à la tête de l'Autorité palestinienne. « Nous souhaitons qu'Abou Mazen (Mahmoud Abbas) reste à la tête de l'Autorité palestinienne et nous lui apportons notre appui », a déclaré M. Haniyeh au lendemain des propos tenus par M. Abbas qui laissait entendre qu'il pourrait quitter son poste en cas d'échec des négociations de paix avec Israël. M. Haniyeh, dont le parti Hamas a remporté les élections législatives le mois dernier, a indiqué que son mouvement « s'efforcerait de le maintenir à son poste », estimant que les différends politiques pourraient être réglés par « la confiance et la coopération étroite ». M. Abbas, élu président de l'Autorité palestinienne en janvier 2005 pour un mandat de 4 ans, a affirmé dimanche qu'il pourrait démissionner si les pourparlers de paix avec Israël se trouveraient dans une impasse. « Nous pourrions parvenir au point où je ne peux pas remplir mes devoirs, alors je ne resterai pas à ce poste contre et en dépit de mes convictions », a déclaré M. Abbas dans un entretien à la chaîne de télévision britannique ITV. Dimanche, le négociateur en chef palestinien Saeb Erakat avait fait savoir que M. Abbas devrait reprendre les négociations de paix avec Israël après les élections législatives israéliennes prévues le 28 mars prochain. Ismaïl Haniyeh a, par ailleurs, minimisé dimanche ses déclarations à des médias américains sur une « une paix par étapes » avec Israël soulignant qu'il entendait en réalité un « cessez-le-feu prolongé ». « Quand nous parlons de paix par étapes, cette paix signifie cessez-le-feu », a-t-il déclaré dans une mise au point suite à sa déclaration à Newsweek et au Washington Post. « J'ai déclaré que si l'occupation des territoires conquis en 1967 cesse, y compris El Qods, si les prisonniers sont libérés et le droit de retour (des réfugiés palestiniens) est appliqué, il sera alors possible que le Hamas accepte un cessez-le-feu prolongé », a ajouté M. Haniyeh s'adressant à des journalistes à Ghaza. « Si Israël se retire aux frontières de 1967, alors nous établirons une paix par étapes », avait indiqué M. Haniyeh dans cette interview publiée dimanche. Interrogé sur ce qu'il entendait par « paix par étapes », il avait répondu : « Premièrement, nous mettrons en place une situation stable et calme qui apportera la sécurité à notre peuple, ce que le cheikh Yassine a appelé une trêve à long terme. » Ismail Haniyeh a en outre affirmé samedi dernier que le Hamas serait prêt à reconnaître Israël, à condition que ce dernier rende aux Palestiniens tous leurs droits. « Si Israël déclare qu'il accorde au peuple palestinien un Etat et rend tous ses droits, alors nous sommes prêts à le reconnaître », a déclaré M. Haniyeh au Washington Post, reprise par les agences. Le responsable palestinien a notamment indiqué que le Hamas était prêt à étudier la possibilité de négociations avec Israël si ce dernier se « retirait de la Cisjordanie et d'El Qods-Est » et reconnaissait également le « droit de retour » des réfugiés palestiniens qui avaient fui la guerre de 1948, ainsi que « celui de leurs descendants ».Toutefois, le porte-parole du groupe parlementaire du Hamas au Conseil législatif palestinien, Salah Bardawil, a réaffirmé que le mouvement « s'en tient à ses positions et ne reconnaîtra pas Israël ». Habitués à toutes les agressions et autres formes de pression et de chantage, les Palestiniens ne perdent rien dans cette situation, laquelle à l'inverse paraît intenable pour les Israéliens et leurs soutiens extérieurs. Le coup de gueule de Mahmoud Abbas en est la parfaite illustration en renvoyant la balle dans le camp israélien qui fait face aujourd'hui à deux stratégies pour la satisfaction des droits nationaux des Palestiniens.