Une marée humaine a deferlé sur ce Salon mais pour acheter quoi? Pas grand-chose! «Le pire Salon que j'aie eu à vivre de toute ma vie.» Ceci est une déclaration de quelques personnes et dont cette propriétaire d'un stand d'une maison d'édition algérienne, laquelle nous avouera avoir été victime d'un cambriolage au niveau du parking rattaché au chapiteau qui a abrité la 14e édition du Salon international du livre d'Alger. Une édition «fiasco», où l'effervescence livresque n'y était pas. Moins d'éditeurs algériens cette année sans parler des étrangers. Le public, de ce fait, se rabattait souvent sur les classiques car les nouveautés venaient à manquer. Gallimard, de l'avis de sa représentante en Afrique, Mme Madjoubi, vendait à perte. Aussi, de l'avis de la majorité, beaucoup plus de livres en arabe qu'en français se sont vendus alors que nous sommes une société, de prime à bord, francophone. Les livres de cuisine, hélas se sont taillés la part du lion. Les livres religieux étaient eux les rois. Le Salon ressemblait plus à un marché de fruits et légumes qu'à un antre de culture et de réflexion intellectuelle. Seuls quelques invités ont pu sauver les meubles. Les conférences avaient un goût de redondance. L'hommage à Kateb Yacine fut un non-événement. Un ratage monumental. Il n'était pas à la hauteur de ce génie de la littérature et du théâtre algérien. Le nom de son fils Amazigh était bel et bien mentionné sur la liste des invités, mais on s'est rétracté. Amazigh est craint. L'excuse invoquée: «Il est incontrôlable!». Dommage. C'est cela qu'il aurait fallu pour célébrer les 20 ans de Kateb Yacine. De l'esprit d'audace et de l'impertinence pour traiter le «fond» du sujet, l'essence même de l'esprit irrévérencieux de Kateb Yacine au lieu de le frôler timidement et donc passer à côté. Si une évolution notable du Sila était notée ces dernières années (à la Safex), l'édition 2009 a connu un regain de dégradation effarant. D'aucuns se sont plaints de la mollesse du plancher qui, en pente, a failli pousser plus d'un à se casser le nez. Beaucoup aussi n'ont pu se déplacer au Salon à cause de son éloignement. «Il faut avoir une voiture pour pouvoir venir», nous a-t-on dit. Le transport a fait défaut. Il a effectivement constitué un frein pour les lecteurs et autres visiteurs. Car les familles ne sont pas les étudiants et ont besoin d'un minimum d'égard aussi. Faites arrêter un taxi dans cette zone... Le Sila a perdu de son prestige cette année. Mis à porte-à-faux et dos au mur, avec le nouveau système, les éditeurs, que ce soit les représentants du Snel ou du Spel, n'ont pu respecter leurs engagements et participeront quand même. Leur remue-ménage a créé le foutoir pour rien. Certains à la dernière minute. Conséquence, un Salon en carton-pâte. Avec de nombreuses défections. Beaucoup d'hésitation et d'approximation ont marqué ce Salon qui a fait perdre à plus d'une maison d'édition leurs livres à cause de l'humidité. Pas de nouvelles têtes cette année, mais que des anciennes et quelques personnalités. On n'invite pas Amine Malouf ou Assia Djebbar à 15 jours du Sila. Cela ne se fait pas. Quelle honte! Et on s'étonne de leur absence. Yasmina Khadra a refusé de venir au Sila après ce branle-bas de combat ridicule entre les gens du livre. Pas sérieux tout ça. M.Smaïl Ameziane a fini, à la fin, par donner une leçon de morale aux journalistes leur reprochant soi-disant leur ignorance au fait de la gestion du livre dans un Salon et les a exhorté à revoir leur métier. Quand la gestion du livre en Algérie dépasse même l'entendement des responsables du secteur, que pouvons-nous attendre d'un tel Salon? Ce dernier vit des heures surréalistes dans ce pays en l'absence d'une politique concrète, ployant sous le poids d'une industrie plus qu'anarchique. Au regard des manquements qu'a enregistrés le Sila dans sa 14e édition (du 28 octobre au 6 novembre), l'on ne s'étonne pas que tout le monde a la nostalgie des anciennes éditions du Salon du livre qui se tenaient à la Safex et dont la gestion revenait à l'Anep, à leur tête Ahmed Boucenna qui se distinguait par son professionnalisme. Effectivement, à comparer les anciennes éditions, celle de 2008 est nettement meilleure que celle de cette année. On sentait un réel engouement du livre et les tables rondes attiraient beaucoup de monde a contrario de cette année. Etouffant est ce chapiteau sis à côté du stade 5-Juillet. Reviendrons-nous l'an prochain au risque de nous perdre encore? Une marée humaine certes a déferlé sur ce Salon, mais pour acheter quoi? Pas grand-chose! En somme, des couacs hélas regrettables que l'on aurait aimé ne plus voir surtout après les promesses de renouveau liées à ce chapiteau flambant neuf. En vain.