De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Une grande première pour la présence de la littérature algérienne au Salon du livre de Paris inauguré jeudi dernier et ouvert au public hier. Il n'y a plus de stand organisé et financé dans les pires difficultés par les éditeurs sous la houlette du Syndicat national du livre. L'espace de 60 m2 est bien là, entièrement rénové avec goût, mais il est placé sous la bannière du ministère de la Culture. Une OPA de l'Administration ? Non. Mais la satisfaction d'une revendication ancienne des acteurs de cette industrie culturelle lassés d'apparaître comme les parents pauvres du Salon face aux représentants des autres pays bénéficiant de l'appui de leurs autorités nationales. A l'initiative de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, mission a été donnée à l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), que dirige Mustapha Ourif, d'être l'opérateur de la présence du livre algérien au Salon parisien. Celle-ci agit ainsi dans le cadre de ses compétences puisqu'elle la tutelle lui a confié «l'organisation de l'ensemble des participations algériennes aux Salons et autres rencontres internationales du livre en apportant un soutien logistique aux éditeurs algériens et en contribuant à la promotion des auteurs».Au stand, inauguré par l'ambassadeur d'Algérie en France, Missoum Sbih, des centaines de livres, représentatifs de la production éditoriale nationale, sont exposés par trente-trois maisons d'édition, dont Casbah, Barzakh, ENAG, ANEP, Dalimen et Dahleb. De nombreux auteurs sont présents pour les traditionnelles ventes-dédicaces.Ce 30e Salon international du livre de Paris ne se déroule pas sous les meilleurs auspices en raison du climat de crise qui rend son avenir incertain. La programmation est certes prestigieuse avec 90 auteurs, 60 français et 30 étrangers, et 900 éditeurs, dont quelques centaines étrangers. Mais, il n'est plus question d'un pays hôte invité d'honneur, officiellement pour mettre en exergue la littérature. La réalité est que, depuis l'invitation d'Israël et les remous que cela a suscité, comme la désaffection de nombreux pays en signe de protestation, la direction du Salon semble être échaudée. Elle a tiré la conclusion qui lui semblait la plus convenable. Le RED, qui organise la manifestation au nom du Syndicat national français du livre, est confronté à un problème autrement plus important menaçant l'avenir même du salon : un véritable boycott par les grandes maisons d'éditions. Ainsi, Hachette livre, premier éditeur français, propriétaire de Grasset, Lattès, fayard, Stock, Nathan, Larousse, etc. a une présence symbolique avec 100 m2 contre habituellement 900 m2. Frappé par cette non-participation déguisée, le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, ne s'est pas empêché de déclarer face au stand fantôme : «Quand certains éditeurs remplacent leur stand par un guichet de la sécurité sociale, c'est regrettable ; un stand sans livres, c'est comme un guichet.» Le groupe Bayard, spécialisé dans la jeunesse, est totalement absent, préférant se manifester au Salon de la jeunesse de Bologne (Italie). La Martinière avec, entre autres, son poids lourd, les éditions du Seuil, a réduit son stand de 30%, et Albin Michel n'est présent que parce qu'il a déjà payé sa présence.Trop cher, trop grand, peu de retombées au regard de l'investissement, pas assez original. Tels sont les griefs avancés par ceux qui boycottent ou boudent le Salon parisien qui traverse une crise d'identité rendant son avenir incertain. La «bataille» fait rage entre les tenants du Salon dans son format actuel et ceux qui préconisent un changement, voire une rupture : créer un Salon biennal ou un Salon itinérant en régions, instaurer deux Salons à un mois d'intervalle, un destiné au grand public, l'autre plus littéraire. C'est de l'issue de cette «bagarre» que dépend l'avenir du Salon du livre de Paris. La fréquentation à la présente édition, les organisateurs tablent sur 200 000 visiteurs, pèsera dans la balance.